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ujourd’hui était une bonne journée pour Joleen. L’été approchait à grands pas, il faisait beau, les oiseaux chantaient comme on dit. Sa journée de travail s’était bien passée : sans imprévus et sans problèmes ! Et Dieu sait à quel point les journées comme celle-ci était appréciable, voire rare pour la jeune femme… En effet, la vie étant ainsi faite d’imprévus, de surprises, qu’il n’était pas rare qu’un incident arrive ; et pour Joleen, les incidents étaient une des choses les plus compliquées à gérer…
Mais aujourd’hui, ce n’était pas le cas. Comme nous l’avons dit aujourd’hui était une bonne journée. Il ne pouvait en être autrement pour la jeune femme qui avait, comme à son habitude, bien planifier l’ensemble de sa journée. Elle s’était tout d’abord réveillée à 7h30 précises. S’en était suivi son rituel de préparations matinal : elle se lève, elle ouvre les volets, elle fait son lit, elle va aux toilettes, elle déjeune, elle prends sa douche et s’habille avec les vêtements choisis la veille et posés sur le petit tabouret situé dans la salle de bain à droite de la vasque. Une fois habillée, elle descend lire entre 10 et 15 minutes dans le salon, puis embrasse ses parents et part au travail pour 9h00.Tous les jours ce même rituel au détail près. Cela peut paraître ridicule quand on ne la connait pas, mais Joleen a besoin de tous ces petits détails et points de repères pour se sentir bien… Aussi, on apprend à vivre avec.
La journée s’annonçait particulièrement chaude aujourd’hui. Aussi, Joleen s’était habillée d’une longue robe d’été blanche et légère. On aurait presque pu la comparer à une romaine de la Grèce antique. Une fois qu’elle eut finit de se préparer, elle alla donc embrasser ses parents comme tous les matins. Bien qu’elle soit particulièrement de bonne humeur aujourd’hui, elle n’avait pas dérogé à son planning matinal. Elle rappela juste à sa mère qu’elle ne rentrait pas directement après le travail ce soir – cause de sa bonne humeur – et qu’elle ne devait donc pas s’inquiéter en ne la voyant pas arriver. Sa mère acquiesça sans ajouter un mot. En effet, ses parents savaient pertinemment où Joleen se rendait en fin de journée mais n’approuvaient absolument pas… Depuis le tragique décès de Tessa, plus aucun membre de la famille ne voulait voir ou même entendre parler de Sasha McLean ! Mais Joleen était l’exception qui confirme la règle –comme souvent – et elle avait toujours refusée d’arrêter de parler ou de voir le jeune homme. Ses parents avaient donc finit par la laisser faire, comprenant l’importance qu’il représentait à ses yeux. Et puis Joleen n’aurait pas cédé… Elle était une grande fille après tout, différente des autres, mais devenue adulte tout de même…
Il avait donc été établi que Joleen continuerait de vivre sa vie comme bon le lui semblait concernant Sasha, tant qu’il ne mettait pas les pieds au sein de la maison familiale !
Joleen était donc partie tout joyeuse à son travail. Bien que la journée se soit bien déroulée, elle avait trouvé le temps particulièrement long aujourd’hui et avait même soupçonnée les aiguilles de l’horloge de faire du « sur-place » à un moment… Elle était comme une enfant qui attendait sa surprise ! Il faut dire que cela faisait un petit moment qu’elle n’avait pas pu passer du temps seule à seul avec Sasha et qu’elle avait donc hâte de le retrouver !
Aussi lorsque 15h30 arriva enfin, Joleen salua ses collègues et quitta son travail, tout sourire aux lèvres. Elle se rendit directement chez Sasha. Il n’était que 15h50 lorsqu’elle arriva, mais Joleen était toujours en avance de 10 minutes en général. Aussi, elle se décida de sonner à la porte de son ami qui ne mit que quelques instants à lui ouvrir. Il semblait ravi de la voir lui aussi et Joleen lui rendit son câlin, son sourire toujours présent sur ses lèvres !
« Ca me fait plaisir à moi aussi ! Eh bien, ça va super ! Et toi ? Tu sors de la douche non ? » lui répondit-elle pour le taquiner.
Elle le suivit dans son appartement qui, effectivement, n’était pas des plus organisé et ne put s’empêcher de sourire lorsqu’il s’excusa sur ce point. Mais Joleen le connaissait par cœur –ou presque – et ne s’en accommodait pas outre mesure. Sasha était un garçon et sa mère lui avait toujours dit que les hommes ne savaient ni s’organiser, ni ranger. Elle se tourna vers lui, et pour le taquiner de nouveau, se contenta de lui répondre :
« Ne sois pas gêné, je te connais à force tu sais. Et puis, je crois que je serai plus étonnée si j’arrivais et que tout était rangé au millimètre près ! » Elle rit de bon cœur et se dirigea avec lui vers la cuisine où il lui préparait un café. Elle lui raconta ses journées à la librairie, c’était toujours le même train-train certes, mais elle, elle adorait ça. Elle avait un peu toute sorte de clientèle : des pressés, des jamais satisfaits, des excentriques, des farfelus. Mais sa patronne, Mrs Figgs gardait toujours un œil sur tout ça. Pas qu’elle ne faisait pas confiance à Joleen, bien au contraire. Mais elle savait qu’au vue de sa maladie, il pouvait arriver qu’un client un peu trop insistant perturbe notre jolie rouquine, et Mrs Figgs envoyait alors aussitôt un collègue à la rescousse. Visiblement, elle avait été bien adoptée par l’ensemble du personnel même si elle n’en prenait pas encore entièrement conscience.
« Tu sais, Mrs Figgs n’a jamais eu d’enfant, et c’est le plus grand regret de toute se vie m’a-t-elle dit un jour… Je crois qu’elle me chaperonne un peu comme si j’étais sa fille en fait… Mais ça va, je gère ! » finit-elle par lui dire, un sourire timide sur le visage. C’était tout Joleen, ne jamais dramatiser, toujours voir le bon côté des choses – autant qu’il le soit possible pour elle – et relativiser du mieux qu’elle le pouvait. Quelqu’un qui ne la connaissait pas du tout, ne se douterait jamais à première vue qu’elle était atteinte du syndrome d’Asperger. Certes quelques détails montraient qu’elle était à part des autres, mais on ne pouvait pas facilement trouver le pourquoi !
« Et toi alors ? Comment vas-tu ? Tes journées ? Tu as l’air épuisé tu sais… »