Le claquement du magazine contre le verre de la table du salon fit sursauter sa mère. « Je croyais que ça devait rester entre nous maman ! » Sa mère n’osait même pas affronter le regard de son fils. « Tu me l’as seulement avoué pour pouvoir le lâcher à la presse, c’est ça ? Combien ils t’ont donné pour un scoop pareil ?! Depuis le temps qu’ils posent des questions, il a fallu que tu gâches tout. Et les filles ? Tu y as pensé ? Bien sûr que non, tant que tu touches ton cachet ! Vous me dégoutez tous ! » Il était furieux, tellement en colère qu’il en oublia la horde de photographes devant leur demeure. « Foutez-moi la paix putain ! » Leur vociféra-t-il au visage. Hayden monta dans son 4x4 et partit à toute vitesse, le crissement des pneus témoignant de toute sa frustration. Son téléphone ne s’arrêtait plus de sonner, il allait péter un câble. Pour se changer les idées, il alluma la radio, mais très vite, un bulletin d’infos vint troubler son instant de répit.  « Dans l’article, Gillian Davis déclare avoir eu une relation extra-conjugale  il y a maintenant vingt-sept ans avec un homme durant plusieurs mois, homme qui serait donc le père biologique de l’aîné des Davis, Hayden. Archibald Davis n’a pas encore commenté l’information. » Frappant sur son volant, il avait envie de tout envoyer valser. Sa mère avait pris la peine de lui dire la vérité quelques jours auparavant, même si, bien entendu, Hayden l’avait, comme la majeure partie de la population, soupçonné. Lorsqu’assise dans le canapé, elle avait posé sa main sur sa cuisse et accompagné son geste d’un « Faut qu’on parle, j’ai quelque chose d’important à te dire. » Il comprit immédiatement. Il ne lui posa pas de questions, il n’avait pas envie de savoir, un père, il n’en avait qu’un, c’était l’homme qui l’avait élevé, celui qui avait fait de lui l’homme qu’il était aujourd’hui, et un test ADN ne changerait rien à l’amour qu’il lui portait. Mais ça, toutes ces conneries, c’était avant que sa putain de mère dévoile tout à la presse. Gillian était un ancien mannequin aujourd’hui à la tête d’une immense fortune, notamment à cause de tous les produits dérivés qu’elle a créé depuis la fin de sa carrière de modèle : gamme de produits de beauté, ligne de vêtement, chronique télévisuelle, elle n’en manquait pas une pour se mettre sur le devant de la scène. Cependant, Hayden avait toujours aimé croire que plus encore que l’argent et la célébrité, sa mère les aimait eux en premier : lui, Hayden, et ses deux petites sœurs, Hope et Hazel. Ce magazine changeait tout, il remettait tout en question, toute la vision de la famille, tout ce sur quoi il s’était toujours appuyé, les valeurs auxquelles il croyait. Le buzz avant les siens. Il était écœuré. Finalement, sans qu'il n'y ait vraiment réfléchi, il se retrouvait du côté de Santa Monica. "Hey, tu peux venir devant le Pier, j'suis garé pas loin ?" Quelques secondes plus tard, il raccrocha et descendit de son véhicule. C'était bon, personne ne l'avait suivi jusque là, et malgré les regards à la fois excités et désolés des gens, Hayden avança vers le port et la grande roue. Cinq minutes plus tard, elle arriva, son T-shirt à fleurs, son short en jean et ses petites baskets trouées aux pieds. "Salut le bâtard !" Il ne put s'empêcher de rire devant tant de provocation. Son étreinte fut toutefois plus longue qu'à l'habitude, elle savait qu'il avait besoin d'une oreille attentive, mais avant tout besoin de soutien dans ce moment délicat. "Viens, on monte, on sera tranquille." Elle le suivit et ils s'installèrent dans la roue. "Tu tiens le coup ?" Il baissa les yeux, puis planta son regard dans le sien. "J'vais partir Jen', j'vais engager un détective privé, et je vais retrouver ce fils de chien qui a refusé de me reconnaître, et même de me connaître tout court." Elle savait qu'il ne pensait pas ce qu'il disait, Hayden était un mec gentil, drôle, toujours le mot pour rire, un garçon plein de qualités qui cachait la pression de la médiatisation derrière ce masque d'humour et de bonne humeur. Jenna ne dit pas un mot, elle se contenta de lui attraper la main et de la serrer fort. Le tour se termina mais Hayden ne bougea pas... "Ecoute Hay', je sais que c'est dur pour toi, et si t'as envie de partir, je t'encourage, mais tes soeurs ? Toi qui dis tout le temps qu'elles sont toute ta vie ?" Son visage se crispa. "Elles s'en remettront." Son ton était froid, glacial, elle avait du mal à le reconnaître, c'était comme si quelque chose s'était cassé en lui, comme si toutes les idées établies n'étaient plus, qu'il n'y avait plus de bien ni de mal, simplement le présent, et donc sa colère. "J'te connais depuis que j'ai cinq ans, on courrait dans ton jardin quand j'étais encore ta voisine, et je ne t'ai jamais entendu parler de la sorte. Tu me fais peur, je m'inquiète pour toi." La roue ralentit, et cette fois, le brun sortit du manège. "N'aies crainte, je sais ce que j'ai à faire." Il déposa un baiser sur son front et avança à pas cadencé vers sa voiture. "T'es la meilleure Jen', ne l'oublie pas." Il était déjà loin, un signe de main, un clin d'oeil, et déjà son visage disparaissait derrière la vitre teintée de sa grosse cylindrée.

Ce soir-là, Hayden retourna chez lui pour faire ses sacs, puis regagna la chambre d’hôtel qu’il avait réservée. Il était hors de question qu’il retourne à la maison et qu’il assiste à cette caricature de vie de famille. C’était pathétique, quelle belle ironie. Après une bonne semaine cloîtré dans sa suite, une barbe de 8 jours le rendant presque méconnaissable, il reçut enfin la nouvelle qu’il attendait. Patrick Hamilton, 23 Loveland Lane, Glenwood Springs, CO. Ni une, ni deux, il ré-empaqueta ses affaires et cette fois, le trajet serait bien plus long, le chemin de la vérité, et surtout de sa véritable identité.