Cher journal, je suis désolé que je t’adresse avec tant de familiarité alors qu’on ne se connait même pas, mais je te proclame mon meilleur ami pour les jours à venir. Tu n’as rien fait de mal pour que tu aies a m’écouter (ou lire, parce que je ne parle pas vraiment) pleurnicher sur mon triste sort, ce que les autres familles ont et pas moi mais, tu dois le supporter ce tel destin. Parce que je me sens terriblement seule, et je n’ai personne de mon côté.

Je tremble. Mes larmes tremblent, mes dents claquent, je suis obligée de rester en boule. À cause du froid ? Non, ce n'est pas assez. Je tremble de peur. Je l'entends, il est presque là. Je suis cachée dans mon placard, mes deux paumes étouffant mes gémissements et mes cris. J'entends ses pas, ses bottes d'hivers dans la maison, montant l'escalier. Il arrive, je le sens, je l'entends. Il va ouvrir la porte, j'en suis sûre.

_ Rebecca, où es-tu ma chère fille ?

Il m'appelle, ça y est. Il va ouvrir ma chambre. Ce psychopate, ce monstre, ce violeur. Il ouvre la porte, avec tant de fureur que cette pauvre porte ce cogne furieusement contre le mur. Il entre, ses sales pattes entre dans MA chambre. Je tremble deux fois plus, la morve coulant à fois s'accentue de fois plus. Je ne peux pas utiliser mes mains pour l'enlever, elles sont déjà prise. Je retiens ma respiration, mes mains m'étouffant presque. Le stress me monte, la pression devient de plus en plus forte, j'ai plus de mal à respirer. Il va me trouver, il va me trouver, j'en suis sûre. Comme toutes les fois. La porte du placard s'ouvre.

_ Ah, te voilà ! Je te cherchais partout tu sais.

Il m'a trouvé, je suis fini. Je vais revivre ça, encore. Il me prend violemment par la main et me pousse vers mon lit. Je me débat, je veux pas vivre ça. Ma main me fait atrocement mal, elle doit sûrement être violette en ce moment. Il se met en califourchon sur moi, je me débat de plus en plus mais il force la poigne. Je peux plus bouger, j'ai du mal à respirer. Que peux faire une fillette de dix ans contre un homme de 34 ans ? Rien, absolument. J'essaye encore de me débattre mais, que faire quand tes mains et jambes sont totalement immobile ? Il me force à l'embrasser, beurk, avec son haleine de cheval. Il pue l'alcool. Mais ça, c'est son odeur naturel; cet alcoolique. Sa barbe rousse me démange, elle me met mal à l'aise; rase là, espèce de chauve montagnard. Prends une douche avec. Il attaque plus loin, je panique totalement. Je n'arrive pas à me débattre, je pleure sans bruit, je n'arrive plus à respirer. Ma vue s'embrouille, je vois floue. Je me sens de plus en plus faible. Je perds lentement conscience. Je te déteste du plus profond de moi et à jamais, père.


Je me réveille doucement, mais sûrement. J'ai mal à la tête. Où suis-je ? Ah, je suis dans ma chambre... Ah, c'est vrai, il est venu. Et, ça s'est passé.... comme tous les jours. Quel heure est-il ? 20h45. Ça fait deux heures que je suis inconsciente. Je crois que mon esprit ne pouvait pas tenir le choc. Et mon âme ne peux plus tenir ce choc. J'en ai marre, je veux m'enfuir. Ainsi, je sors un sac de mon placard, contenant déjà quelques vêtements, en sors d'autres affaires, m'habille de vêtements et d'une veste puis porte mes chaussures. (...) Prête, je sors par la fenêtre, sac en main, et cours dans les ruelles sombres du quartier éclairé par des lampadaires. J'ai fuguée de cette maison. Je suis sorti de cette maison. Enfin.

J'arrive enfin dans le centre-ville, à quelques kilomètres de chez moi. Je fais en sorte de ne pas me faire remarquer, et avec les gens, ça marche plutôt bien. Il y a des gens comme il y a de fourmis dans ce monde. Je peux à peine respirer correctement avec toute cette chaleur. Il fait froid mais il me semble faire chaud. Avec tous ses gens qui respirent autour de moi, l'oxygène manque sûrement, même en plein air. Les voitures, les bus, les gens, les lumières... ça, c'est ce que je veux. Je ne veux pas vivre dans une maison froide avec des personnes cruelles et... Non, je ne dois pas penser à eux. Il faut que j'en profite, ça ne durera pas longtemps. Je me promène dans les rues avec mon sac et regardes les vitrines et restaurants sans entrer dans aucune. Je n'ai pas d'argent avec moi. J'aurais dû en voler, merde. Je commence avoir faim aussi. Finalement, je ne pense pas rester autant ici... Je vais devoir retourner, tôt au tard. Ils viendront me chercher. Ils enverront quelqu'un, ou plusieurs personnes me chercher. Je le sais, je le savais depuis le début. Mais je voulais le faire. Tous ce que je peux faire maintenant c'est repéré quelques endroits sympa et, quand je reviendrais, j'irais directement là-bas sans perdre de temps pour en profiter au maximum.

Je cours, le souffle me manque. Je n’arrive plus à voir devant moi, mais je continue de courir. Ce n’est pas ma frange sur mes yeux qui m’empêchent de voir plus loin. Ni les larmes qui coulent à flot en synchronisation avec la morve. Il fait un froid de canard, bien que le peu de canards qui restent dans notre lac hibernent sûrement en ce moment. Ou étaient-ce les ours qui hibernent ? Je sais plus. Ce dont je suis sûre, c’est que les oiseaux immigrent l’hiver pour aller quelque part de plus chaud. Et j’aimerais être un de ses oiseaux, un bleu si possible. Un petit oiseau bleu, volant dans les cieux parmi les nuages, croisant dans sa route d’autres oiseaux. Aladin et Jasmine aussi, mais bon, je crois qu’on les voit la nuit ceux-là. Oups, je m’égare.

Qui suis-je ? C’est vrai, tu as un point. Je ne me suis pas encore présentée. Je m’appelle Rebecca. Rebecca de deuxième nom Silver, parce que j’avais des yeux argentés quand je suis née. Bon, je ne regrette pas trop d’avoir eu ses yeux gris ou de ne plus avoir, parce que je les ai bleus maintenant. Pas trop mal. Bleu, comme mon oiseau dans une autre vie. Il y a beaucoup de choses que je regrette dans la vie, mais pas beaucoup de choses que je ne regrette pas. Je ne regrette pas d’avoir eu les yeux gris, bien que j’aurais aimé les avoir plutôt sombre à la naissance. Je ne regrette pas d’avoir les yeux bleus, bien que j’aurais aimé les avoir moins voyant. Je ne regrette pas d’avoir été une fille, bien que j’aurais bien aimée être un garçon. Je ne regrette pas d’être née, mais j’aurais aimé être dans une autre famille. Une famille qui m’aurait aimé comme je le suis, une famille qui m’aurait aimé tout court. Non, plutôt, juste une autre famille que les Miller. N’importe quelles, sauf les Miller. Parce qu’ils sont la raison que j’ai fugué. Ils sont la principale raison pourquoi j’ai envie de m’entailler les veines. Ils sont ce que je regrette le plus dans ce monde. Je veux les fuir, je veux vider tous mon sang pour ne plus avoir un lien avec eux qui coule dans mes veines. Je ne veux plus faire parti d’eux, je veux être effacé à jamais de cette famille. Et si ce n’est pas possible de les fuir, je voudrais ne plus jamais exister. Cette famille qui m’a rejeté dès la naissance.

Cela fait dix ans que j’existe, et dix ans que je souffre. Je suis mal aimée de tous, nul n’a besoin de moi. J’aimerais quitter cette vie et, surtout, cette famille. La famille Miller. C’est ma vraie famille, avec mes vrais parents. Pourtant, je les déteste. Je déteste ces gens et le fait d’avoir leur sang qui coule dans mes veines m’écœure. Je voudrais couper mes veines pour en vider le lien de sang qui m’unit avec ses monstres. Malheureusement, il y a l’ADN et bien d’autres composants dans mon corps qui vient d’eux. Je les appartiens totalement, je les ressemble trait pour trait, et j’en vomi chaque nuit.

Je me rappellerai toujours de ces cauchemars que j’ai dû vivre avec. La fois où ma mère a donné mon repas à mes grandes sœurs en tant que deuxième part. La fois où mon père est rentré de son boulot, qu’il s’est précipité dans ma chambre, m’a poussé dans mon lit et m’a violé. La fois où mes grandes sœurs m’ont vu porter leur vieux vêtements qui leur vont plus et les ont déchiré de leur mains, me laissant nue. Oh, mais, qu’est-ce que je dis. C’est tous les jours comme ça. Mon quotidien ne se résume qu’à être discriminé, violé, battu et ridiculiser. Pour le simple fait du plaisir de ces déchets. Et le fait que je les ressemble m’écœure. Je ne veux pas leur ressembler, je ne veux pas devenir comme eux. Je ne veux pas être leur fille ou leur sœur. Je veux être différente. Je suis différente. Peu importe la fois où je fuguerais, je voudrais un jour ne plus voir leurs faces de rat pour toujours. Ce jour, est-ce aujourd’hui ?

Je cours dans ce froid depuis des heures et des heures. Mon ventre crie famine, mais je l’ignore. Ma gorge est sèche, j’ai soif. Il faut que je me repose, mais je ne peux pas. Ils vont me retrouver. Ils vont bientôt me retrouver. La police ? Ma famille ? Je ne sais plus qui, mais je ne serais pas tranquille. Je veux vivre. Je veux être en liberté. Travailler, m’amuser, aimer. Je veux trouver des amis proches, une famille accueillante et l’amour de ma vie. L’âme sœur. Cette moitié dont plusieurs en parle, existe-t-elle vraiment ? Je me demande si ça sera un garçon ? Une fille ? Peut-être deux ? Ou les deux ? Je n’ai jamais eu un intérêt pour l’amour jusqu’à maintenant mais, devrais-je essayer ? Est-ce quelque chose d’intéressant ou d’amusant ? Ca fait mal ou ça fait du bien ? Je pleurais peut-être, mais ça ne sera pas aussi terrible que ce que je vis maintenant. Je n’en peux plus. Je suis fatiguée. J’entends les sirènes de polices s’approcher de moi, une lumière m’aveugle. Je reconnais l’uniforme de police. Un autre. Une dizaine d’autre. Une dizaine d’uniformes et de lumière braqués sur moi. Des officiers. Je suis cerné, je n’ai plus aucune force. Ils m’emmènent, je ne me débat pas. Je m’en irai une autre fois. Et la prochaine fois, je prendrai avec moi de l’argent et je m’amuserais. J’irais trouver l’amour de ma vie, je trouverais des amis, des proches mais, surtout, je veux une famille. Peut-être que je devrais mettre une affiche avec moi ? Rebecca Silver Miller, fillette de dix ans, cherche l’amour de sa vie, des amis et une famille. Aimez-moi, aidez-moi et adoptez moi. Pff. C’est vraiment pas le temps de délirer je crois. Je me sens faible. Ma conscience me quitte. Suis-je en train de mourir ? Si c’est le cas, Dieu, ou je ne sais pas quoi, réincarne moi en oiseau bleu. C’est mon unique et seul vœu.