Un soir d'orage. J'ai toujours eu peur des orages. Pourquoi ? Je n'en n'ai aucune idée. Ce n'est pas donné à tout le monde de grandir dans une famille telle que celle des Saint-James. Entourée, chouchoutée, je n'ai jamais manqué de rien. La vie de famille dont toutes les petites filles rêvaient, le soir, au fond de leur lit, en s'endormant. Moi, je l'ai eu. Et puis, j'avais quatre anges gardiens en plus, quatre grandes sœurs, quatre modèles à suivre. Famille, connue, réputée et respectée. Pourquoi aurais-je peur d'un simple orage ? Il y a des questions, comme celle-ci, qui demeurent sans réponses dans l'esprit d'une fillette de six ans. Alors, comme tous les soirs d'orage, je suis sortie de mon lit pour rejoindre la chambre de Parker, la plus grande de mes aînées. A croire qu'elle m'attendait. Elle ne dormait pas, assise en tailleur sur son lit, guettant la porte pour me voir m'y faufiler. Le sourire rassurant qui se dessine sur son visage me montre que je peux entrer sans crainte. Ce que je fais sans plus attendre, me réfugiant au creux de ses bras. Elle me berce doucement, tentant de calmer mes sursauts à chaque coup de tonnerre. Cinq minutes plus tard, c'est Dakota qui fait son entrée dans la pièce. Elle a trois années de plus que moi. Même si, en règle général, tout par vite en n'importe quoi, en un seul regard, on comprend bien que l'on ne fera pas les fières ce soir. Elle vient se blottir contre nous. L'orage s'apaise finalement bien plus vite que je ne l'aurais pensé. On sait que l'on va devoir bientôt regagner notre lit et pourtant, nous sommes incapables de nous séparer. Alors on commence à discuter. Parler de tout et surtout de rien. Je baille aux corneilles, mes yeux me piquent mais je m'en fiche parce que moi aussi je veux grandir. Mais je me rends bien compte que je ne pourrais jamais rattraper mes aînées. « Vous ne croyez pas qu'il serait temps d'aller vous coucher maintenant ? » Il ne manquait plus que Terry pour compléter le tableau. Elle est toujours aussi sérieuse, toujours aussi propre sur elle, toujours aussi parfaite. Sa perfection m'effraie. Alors je me résigne à retourner me coucher. D'habitude, c'est Parker qui m'accompagne pour me border mais j'ai cru comprendre que Terry avait insisté. On ne voit pas ça souvent alors autant en profiter. Elle me chuchote que tout est terminé, que je peux me rendormir sans crainte. Je la crois, parce qu'elle me le dit de manière à ce que je ne puisse pas douter de ses paroles. Elle dépose un baiser sur mon front et tourne les talons. Les moments privilégiés avec elle sont rares, mais ils ne sont jamais décevants. Les sœurs Saint-James, c'est une grande histoire. Des rires, des larmes, des disputes, des réconciliations. Un véritable roman. Mais on s'aime. Beaucoup trop parfois. On ne sait surtout pas se le dire, et c'est ça qui nous détruit. Mais après tout, nous sommes les quatre fantastiques. Et ça, ça n'a aucun prix.


Tous les regards sont braqués sur moi. J'ai comme l'impression de manquer d'air, j'ai besoin de respirer, de dégrafer mon soutien-gorge, de partir en courant. Et pourtant, je reste plantée là, muette. Maman semble paniquée. L'une de ses filles ne pourrait pas la trahir. Et pourtant, elle commence à rougir, elle a trop chaud et se demande si je vais bien me tenir. Terry fait les gros yeux. Elle a peur que je ne me plie pas à la règle, que je ne rentre pas dans le rang, comme le petit mouton que je suis. Elle, qui est si parfaite, n'a pas hésité une seule seconde ce jour-là. Moi, si. Ses yeux insistent, elle avale sa salive avec difficulté. Ce n'est pas rien ce que je m'apprête à faire. Mon regard croise celui de Dakota. Elle a envie de rire, je le sais. Parker aussi le sais, c'est pourquoi elle lui presse le bras pour qu'elle n'éclate pas de rire devant les parents. Ils ne le supporteraient pas. Déjà que le silence assourdissant dont je fais preuve les fait trépigner d'impatience, vous n'imaginez pas le dégât si Dakota se mettait à rire. Pas l'un de ses rires légers qui passeraient comme une lettre à la poste. Non, une bonne vieille crise de fou rire comme il en existe peu. On me pose la question une nouvelle fois, la gorge nouée. Je sais bien que je ferais une bêtise si je refusais. L'angoisse de ma mère, les yeux ronds de Terry, les rougeurs de mon père sur la base de son cou. J'ai dit oui. J'ai livré mon âme au diable, au grand soulagement de l'assemblée. J'ai fait une promesse, celle de rester vierge jusqu'au mariage. Des soupirs de soulagements se font entendre, j'ai cru que je choquerais le Pape en personne si je m'enfuyais. Dakota baisse la tête pour étouffer son rire et Parker ferme les yeux, un petit sourire en coin au bout des lèvres. Elle sait ce que cela me coûte mais elle ne dira rien. J'ai fait le bon choix. Et puis, refuser, ce serait déshonorer la famille Saint-James. Je ne pouvais pas me le permettre, pas après tout ce qu'ils ont fait pour moi. Cet anneau à mon doigt, faisant signe de ma bonne foi, je l'ai contemplé toute la nuit suivante. J'ai eu du mal à trouver le sommeil. J'avais fait une erreur, mais je ne pourrais pas revenir en arrière. Je le savais et je ferais avec.


« Ben t'étais où Maxxie, ça fait des plombes qu'on t'attend ? » J'arrive en courant, limite haletante et claque la bise à tout le monde. Cruz a l'air choqué de me voir dans cet état. En même temps, je viens de me taper la moitié de la ville en courant alors, forcément, ça n'aide pas. « Désolée, j'ai été retenue au café, j'ai fait aussi vite que j'ai pu. De l'eau. Y a pas quelqu'un qui aurait de l'eau par hasard ? » Aussitôt demandée, aussitôt eue. Noah me tend une bouteille d'eau que je ne manque pas de boire en quelques gorgées. Quoi ? J'avais soif, j'avais prévenu en plus. Au pire, je la remplirais, il n'y a pas mort d'homme. J'avais réussi à avoir une journée de libre avec mes amis, je n'allais manquer ça pour rien au monde. D'ailleurs, il faudrait peut-être que je fasse les présentations. Le mec qui râle tout le temps, c'est Cruz, la forte tête du groupe, mais c'est pour ça qu'on l'apprécie tous. Il est aussi mon confident, celui qui, sous ses apparences de branleur, est toujours là pour m'écouter. Il a toujours raison d'ailleurs, et je crois que c'est ça qui m'énerve le plus. Je fais comme si je ne l'écoutais pas la plupart du temps, mais en vérité, je bois ses paroles comme j'ai pu boire celles de Parker. « C'est toujours bon pour le ciné ce soir, hein ? Y a pas eu d'autres plans entre temps ? » Winnie, sa soeur. Il est clair qu'ils ne sont pas jumeaux pour rien. Ils se ressemblent vraiment niveau caractère, quoi qu'elle est plus imprévisible que lui, moins farouche aussi. C'est une petite rebelle en puissance, elle sait ce qu'elle veut et finit toujours par l'obtenir. J'admire la force qu'elle dégage même si je dois bien avouer qu'elle me fait flipper par moment. « Ca bon, lâche-là, tu sais que c'est pas aussi simple pour elle que pour nous ... Aller viens Maxxie, j'crois que tu as des choses à me raconter. » Julie, ma meilleure amie. Elle sait vraiment tout de moi, de ma famille, des choix et des choses que j'ai dû faire. On se connait depuis toujours, on a vraiment grandit ensemble toutes les deux. Mes parents ne la regardent plus de travers. C'est mieux comme ça. Je pense qu'à un moment donné, elle a fait ses preuves, plus besoin de la juger. Et puis, celui qui parle peu mais qui est indispensable à notre groupe, c'est Noah. La force tranquille. La tête pensante et surtout le plus calme de nous. Il assure la bonne entente entre nous. A chaque problème sa solution, c'est un peu ça sa devise. Il est au petit soin avec tout le monde. Cruz est son meilleur ami, c'est comme ça qu'on l'a connu, lui et sa soeur. Noah s'est greffé à notre duo de base et après, on s'est retrouvé à cinq sans qu'on ne sache vraiment trop comment. Mais ça nous va parce qu'au final, si ça n'avait pas été possible, ça ne se serait pas fait. Tout dans la franchise, aucun tabou. Ou presque. Mais, quoi qu'il en soit, c'est notre petite bande à nous, et on en est fiers.


« Je vous la ramène pour sept heures au plus tard, je vous le promets. » Julie m'agrippe le bras et me traîne à l'extérieur avant que mes parents ne changent d'avis. Je crois qu'elle a bien fait d'ailleurs. Même si les choses vont beaucoup mieux entre eux, on ne sait jamais. Cet après-midi était la nôtre. A toutes les deux. Elle disait qu'il lui fallait absolument de nouveaux vêtements et que ça ne me ferait pas de mal de lécher les vitrines en sa compagnie. Elle avait raison, comme d'habitude. Alors nous voilà parties toutes les deux à l'aventure. « Alors ? Noah hein ? » Elle se mord la lèvre inférieur en me montrant l'essayage d'un jean sur lequel elle avait craqué. « Arrête un peu avec ça. Tu sais très bien que c'est compliqué et que, de toute façon, à moins qu'une brique tombe sur nos tête et qu'on se la joue comme Terry, on ne sera pas mariés demain. Donc, ça ne marchera jamais. » Je lève les yeux au ciel et lui balance le prochain jean à essayer. Comme si j'étais aussi folle que mon aînée pour faire ce genre de chose. Et puis, soyons réaliste un instant : pourquoi Noah s'intéresserait-il à moi connaissant la situation délicate dans laquelle je me trouve. J'ai fais vœu de chasteté quand même, ce n'est pas rien. Surtout pour notre génération. De toute façon, je pense qu'aucun garçon censé n'accepterait de sortir avec une fille aussi compliquée que moi. « Tu sais qu'il te bouffe des yeux à longueur de temps quand même ?! » Je pousse un soupir. « Arrête tes conneries et sors de cette cabine. » La sonnerie de son téléphone retentit. Elle répond et je me perds dans des pensées que je ne devrais pas avoir. « C'était Winnie. Ils récupèrent Noah sur la route et nous rejoignent, ça te va ? » Petit sourire entendu. Elle m'agace quand elle fait ça. J’acquiesce pourtant parce que je ne peux rien lui refuser. Pour ce qui est de la suite, tout devient flou. Je ne me souviens de rien. Ou peut-être que je ne veux pas me souvenir. Je sais juste que lorsque j'ai repris connaissance, tout était sans dessus-dessous. « Julie ? » Pas de réponse. En même temps, mes oreilles sifflent si fort que je ne suis pas certaine d'avoir parlé assez fort ou même de pouvoir entendre une quelconque réponse. « Julie ! » Toujours rien. Je me suis redressée avec peine et je l'ai trouvée. Inerte. Pourquoi elle et pas moi ? C'est la question que je me suis posée quand j'ai vu les secouristes débarquer. C'est la question que je me suis posée lors que ma mère m'a serré si fort dans ses bras. C'est la question que je me suis posée lorsque j'ai vu toute la détresse de ses parents lors de l'enterrement. C'est la question que je me pose tous les jours lorsque je contemple ces photos de nous. Nous deux. Nous cinq. Elle me manque. Si elle savait à quel point elle me manque.


« Tu viens Maxxie ? » Je secoue la tête, sortant de mes pensées. Encore une fois, j'étais avec elle. Encore une fois, je n'ai pas pu la tenir loin de ce que je vis. Encore une fois, je voudrais qu'elle soit là pour me montrer le chemin à suivre, comme elle l'avait toujours fait avant. Winnie dit qu'il est temps pour moi de suivre mon propre chemin, de choisir où je vais aller et de tout faire pour y arriver. Elle a toujours voulu que je sois un peu plus comme elle et un peu moins comme mes sœurs. Elle n'a jamais vraiment compris pourquoi je me contentais de faire le mouton bien sage alors que je pouvais tout envoyer valser. De toute façon, Winnie n'a jamais vraiment compris ma famille. Je ne lui en veux pas, je ne le peux pas. Il est vrai que j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi j'ai accepté de suivre le mouvement. Peut-être par peur de décevoir, tout simplement. Plus le temps passe et plus je me dis que Winnie ne doit pas avoir tord après tout. Un combat sanglant fait rage en moi. Trahir les miens ou suivre ma propre voie. En même temps, quand je regarde Dakota, je me dis que, peut-être, je pourrais faire ce que personne n'a osé faire jusqu'à présent. Je n'en sais rien. Quand je prends enfin conscience que je ne suis pas seule et qu'il serait bien que je retourne au moment présent, Noah s'éloigne, tirant Winnie par la main, qui ne semble pas d'accord avec cet enlèvement. Je me retrouve seule face à Cruz, qui me dévisage d'une manière qui ne me plait pas vraiment. « Tu sais Maxxie, j'en ai marre. » J'arque un sourcil. De quoi ? Mais où veut-il en venir au juste ? « Oui. Tu peux me regarder comme ça si tu veux mais moi, j'en ai marre. » Il me fait peur tout d'un coup. « Je n'en peux plus de te voir comme ça. J'en ai marre de te voir te déchirer de cette façon. Je n'en peux plus d'avoir à supporter tes absences d'esprits. Je suis à bout là. » D'accord. Je ne suis pas certaine de tout comprendre. Mes sourcils se froncent d'incompréhension, je fais un pas en arrière presque malgré moi. Je devrais pourtant avoir l'habitude de ses remontrances, il en fait à la pelle, et à tout le monde. Mais là, c'est différent. « Elle est partie. Julie n'est plus là. Tourne la page bon sang. Ca me tue de te voir dans un état pareil. Je te jure Maxxie, il faut que tu te reprennes. Si tu ne le fais pas pour nous, ni même pour toi, fais le pour elle. » Je rêve où il vient vraiment de dire ce qu'il vient de dire. Merde. « Aller, viens là. » Il m'attire contre lui et me serre dans ses bras. Putain. Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu le droit à ça. Machinalement, mes bras se resserrent autour de sa taille. « A moi aussi, elle me manque. » souffle-t-il avant de relâcher son étreinte. Merde. Alors c'est vrai. Noah ne mentait pas quand il disait que je ne savais pas tout, qu'il fallait que je reste forte pour le groupe. Merde. Alors on a rejoint les deux autres et Noah m'a prise à part. Il a dit qu'il voulait me parler de quelque chose d'important. Mais, en vérité, nous n'avons pas parlé. Ce qu'il s'est passé, c'est qu'il m'a prise dans ses bras, comme il le faisait souvent depuis l'année dernière. Pour me réconforter. Mais cette fois-ci, ses lèvres se sont posées sur les miennes. Merde. Alors j'ai fait ce que n'importe quelle fille de ma situation aurait fait. Je suis partie. En courant même. Je n'ai rien dit à personne. Je l'ai évité. Contrôler ses émotions. Contrôler ses sentiments. Contrôler. Ne pas trahir sa famille. Mais jusqu'à quand ?

Bon je vais redire ce que j'ai dis sur la chatbox mais c'est pas grave ! Ta présentation est tout simplement parfaite, j'ai vraiment rien à redire. Je suis tellement contente de te compter parmi nous ça va être géniale, en plus de voir que tu as déjà d'autres liens c'est trooooop bien. Bienvenue ici ma chérie, j'espère que tu resteras aussi longtemps que dure le forum !



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