«
Shem, bouge tes fesses, j’ai un truc méga important à te dire. » Pas un signe de vie de la part de mon grand frère et ça m’irrite, ça m’irise le poil, j’ai envie de crier. Au lieu de ça, j’ouvre les rideaux et je peux vous dire qu’à 12h le soleil tape fort sur cette fenêtre. L’embêtant jusqu’au bout, je saute sur son lit, du haut de mes 12 ans. «
Debout marmotte, debout marmotte, t’as du caca dans la culotte !! » Une vieille phrase que je dis parce que je sais qu’il déteste ça, depuis que mon esprit de génie a inventé cette rime. J’avais cinq ans, on dit tous ce qui nous passe par la tête à cet âge. «
Dégage… » Enfin, une réaction. Pas des plus agréable, cependant. Mr est bien grognon ce matin. «
Hein ? » Je me remets à sauter sur son lit de plus belle. Moi, dégagée ? C’est mal me connaitre, j’arrive à le réveiller pour de bon. Il se redresse et je vois sur son visage qu’il n’est pas le plus heureux des hommes. «
VICTOIIIIIIIRE ! » J’ai gagné, donc je suis contente. Sale humeur du matin ou pas, c’est la même chose pour moi. Dernier saut, j’atterris lourdement sur les fesses, mais mon poids plume ne le fait même pas bouger un peu; déception, j’te jure. «
Bref, faut que je te dise… Ce garçon… » J’ai les yeux qui pétillent et le coeur qui m’envoie de ces décharges. J’ai jamais connu ça. Ca fait bizarre mais c’est agréable. «
Quel garçon? De quoi tu me parles ? » Il se frotte les yeux. Effet de sommeil ou d’incompréhension ? J’en sais rien. Je ne comprends pas tout à comment fonctionne mon grand frère. Il a 10 ans de plus que moi et je sais juste que je peux tout lui dire. Enfin tout sauf une chose. «
Je te dirai pas son nom, c’est pas important après tout. Il est beau comme un Dieu, il me traite comme une princesse et quand je le vois, j’ai le coeur qui bat… enfin plus que d’habitude, tu vois ? Tu crois que ça veut dire que je l’aime ? » C’est normal quand je vois mon grand frère - que j’aime pourtant plus que tout au monde - commencer à sourire, j’ai envie de le frapper ? Plus qu’une envie, une action : mon faible poing vient s’écraser contre son épaule ce qui a pour résultat de le faire rire pour de bon. «
T’es bête. » Ca y est, je boude. Lui, il continue de rire quelques secondes avant de venir caresser ma joue de sa main, tissant un lien complice entre nous. Comme si je pouvais tout lui dire, qu’il sera toujours là prêt à m’aider. «
T’es mignonne, et pas la première à tomber amoureuse, il a de la chance ce garçon. Viens là. » Il m’attire dans ses bras et je me blottis contre lui. Mon grand frère, le grand froid au coeur aussi tendre qu’une plaquette de beurre sortie du frigo depuis des heures…
«
Liz, t’es prête ? » Devant le miroir de ma chambre, je dépose une couche de rouge à lèvres d’un rouge vif, et je tamponne mes lèvres l’une contre l’autre. «
Une minute. » Je réponds simplement alors que mes frères doivent m’attendre bien sagement en bas de l’escalier. Mais je prends mon temps, je prends toujours le temps de me faire jolie parce qu’aujourd’hui est une date spéciale pour notre famille. Comme tous les ans… C’est l’anniversaire de maman aujourd’hui, et comme tous les ans, nous nous rendons sur sa tombe pour lui rendre hommage. J’entends frapper à ma porte, et vois celle-ci s’ouvrir sur mon grand frère, Theo. Il est charmant, il porte un costume bon marché mais il est tout de même élégant. «
T’as pas à te mettre sur ton 31, Liz. » Je lui souris, simplement, assez amusée. «
Toi non plus à ce que je sache, et pourtant… » Je passe mes mains sur ma robe afin de lui redonner sa forme initiale. Et je souffle, fin prête. C’est une étape difficile pour mon père, mes frères et moi, c’est mon moment préférée de l’année. Le jour où on se retrouve tous les trois, et où ils me racontent des anecdotes sur maman. Mon père me raconte comment était maman, et mes frères, les souvenirs qu’ils ont avec maman; même s’ils étaient très jeunes, ils ont des souvenirs eux. Et je les envie. J’aurais aimé la connaitre, mais elle est morte bien trop tôt, emportée par une saloperie de cancer. Il n’y a pas de larmes aujourd’hui, juste une commémoration en l’amour qu’elle nous portait, qu’on lui portait. «
Comment je suis ? » Je passe mes cheveux derrière mes oreilles et fait face à mon frère, sourire aux lèvres. «
T’es parfaite, maman serait tellement fière de toi. » C’est toujours un bonheur de l’entendre me dire ça. Je n’ai pas de garantie que ce soit vrai, mais j’ai 16 ans et je vais déposer des fleurs sur la tombe de ma mère. Nous partons, bras dessus, bras dessous, rejoindre le reste de la famille, tous ensemble.
«
Elizabeth Cléo bloomberg » Je me rappellerai ce moment toute ma vie. Ma remise des diplômes; ce moment que j’attends depuis mon entrée au lycée. Et pourtant, je suis stressée, au commencement de ma nouvelle vie. Mes années-lycée n’ont pas été ce que j’espérais. J’avais des amis, je participais à des activités scolaires, et j’avais des bulletins de notes plus que corrects, mais je ne m’y sentais pas forcément à ma place. A l’annonce de mon nom, je monte les marches qui me rapprochent de la fin et j’en suis plus que ravie. Je remercie le directeur, puis descends vers ma famille et ils me prennent tous dans leurs bras, en même temps et me couvrent de baisers. «
Félicitations, félicitations, petite soeur. » Mais en fait, ce n’est pas une grande gloire, juste la suite logique des choses. Plus tard, alors que nous nous trouvons au restaurant, tous les quatre, on me pose la question fatale. «
Alors t’as décidé ce que tu comptais faire ? » C’est la grande question de ma vie - enfin des derniers mois - car je suis indécise. J’ai l’impression que ma vie se joue demain et j’ai peur de faire un pas en avant et me rendre compte dans 30 ans que j’ai fait une erreur. «
Je… » Mon coeur se stoppe net lorsque je vois papa sortir de sa veste une enveloppe, et on sait tous ce que ça veut dire. Ca y est, mon avenir est dans cette enveloppe. J’ai fais quelques demandes de fac il y a plusieurs mois, sans grands espoirs, et je n’ai pas encore eu de réponse positive. «
Est-ce que c’est ce que je crois que c’est ? » Là, j’ai peur, mais mes frères trépignent d’impatience et Shem l’attrape pour me la déposer sur mon assiette. «
Ouvre, tu verras bien. » Le temps d’ouverture de cette enveloppe me parut une éternité, et je lis alors cette lettre dans ma tête, une larme coula sur ma joue sans que je puisse la retenir. Je reposai la lettre pour faire face à ma famille. «
Apparemment, je vais à la COLORADO UNIVERSITY !!! » J’explosai de joie, de soulagement, de toute cette crainte que je ressentais depuis bien trop longtemps, puis me levai de table pour me retrouver une nouvelle fois dans les bras de tous.
«
Tu réponds pas à mes messages ? » Je suis furax, je lui ai tout donné - mon coeur, mon corps, ma première fois, 8 ans de ma vie - j’ai l’impression que cette dernière tourne autour de lui et que lui s’en fiche. C’est pas le comble ça ? «
Je travaille. » Ca, je le vois, il essuie des verres, quel boulot passionnant. En même temps, il est barman. Et quand y’a personne, il doit veiller à ce que l’endroit et la vaisselle soit propre. «
Et t’as pas deux minutes à m’accorder ? J’ai l’impression que tu t’en fiche, dis le moi, au moins on saura tous les deux ce qu’il en, on saura où on en est. » Il hausse un sourcil et me fait ce petit regard d’enfant incompris. Il est plus vieux que moi, et il ose me regarder comme s’il était plus jeune, plus jeune au point de pouvoir faire des conneries et ne pas avoir à faire face. Il pose finalement son verre, lorsqu’il comprend que je ne suis pas venue pour jouer, que tout ce qu’il fait me fout en boule. «
T’as manqué ton frère de peu… » Il me dit simplement croisant les bras sur son torse, musclé à souhait. «
Shem ? » Je croise les doigts, faite que ce soit Shem dont il me parle, mais il me répond par la négative d’un simple signe de tête. Et là, je comprends. «
Oh ! » Big oh, je dirais mais je me sens comme stupide tout à coup. «
J’en ai marre de lui mentir. Pourquoi je peux pas dire à mon pote que je couche avec une femme géniale ? Il croit que je me suis remis avec Juliette et ça me gène… » Je le comprends, ça fait deux mois qu’il me dit ça, mais comment dire à son frère qu’on est amoureuse d’un copain à lui, qu’il a 5 ans de plus, et que pour lui il n’a aucune idée que ça fait 8 ans que je me languis devant lui ? «
La réponse est simple: tu tiens à la vie ? » Je penche la tête, me rappelant ce qu’il vient de dire; alors pour lui je suis une fille géniale ? J’aurais préféré l’amour de sa vie ? Mais ça ne fait même pas quatre mois qu’on partage un peu plus qu’une amitié, et je l’ai attendu si longtemps que je peux bien attendre un peu plus. «
Ca te gène ? Oh pauvre bout de chou. Allez sers moi un verre de vin, sexy barman et viens de ce côté que je puisse coller mon corps divin au tien… » Je lui fais un clin d’oeil, désireuse de mettre toute cette conversation de côté pour la soirée. Je rigole pour la dernière partie de phrase cependant, même si je lui dirais bien de tout plaquer pour monter chez lui. Mais bon, il travaille alors je calmerai mes ardeurs pour l’instant, mais c’est vraiment pas facile. Rien de tout ceci n'est simple. Mais l'amour serait-il aussi bon si c'était simple ?
«
Alors c’est quoi ? » Shem vient s’assoir prêt de moi, alors que je me repose dans le jardin. Ca fait une heure que je l’ai appelé parce qu’il fallait que je lui demande un service. «
C’est très important, et tu sais que je ne te dérangerai pas si ça ne l’était pas ?! » Je sais que mon grand frère est très occupé avec sa carrière d’avocat et qu’il n’a pas énormément de temps à nous consacrer, même s’il répond toujours présent quand on a un souci. «
Tu veux dire pas comme la dernière fois où tu m’as appelé en panique parce qu’un chat était coincé dans l’arbre en face de ta chambre ? » Je le tape, il le mérite non ? Depuis quand la vie d’un chat n’a pas son importance ? «
T’es cruel, c’était un chaton, et il avait peur… J’ai ressenti sa panique, fallait bien l’aider le pauvre. » Je considère mon grand frère comme le héros de la famille, parce qu’il l’est quelque part. C’est un homme juste, honnête qui s’est donné tant de mal pour atteindre ses buts qu’il mérite le bonheur, il mérite d’avoir tout ce qu’il souhaite, et je m’y engage fortement. «
Bon dis moi. » Alors voilà, je me lance : «
Tu sais l’autre jour, je t’ai parlé de mon amie Luna et de sa fille, je crois qu’elle ne pourrait pas trouver mieux pour la défendre que toi… Elle a besoin de toi, et j’ai besoin de toi… » Je savais que je pouvais tout lui demander, parce qu’il avait un coeur en or et qu’il ne me refusait jamais rien; j’en abusais parfois mais là, c’était du sérieux et mettre mon frère sur le cas était la chose juste à faire. «
T’essaie pas plutôt de te débarrasser de moi ? » Je l’aime mais qu’est-ce qu’il peut être parano. Même si j’avoue que ça pourra me laisser un peu plus de liberté, je ne le fais pas pour moi, mais bon si je peux y trouver mon compte aussi, je dis AMEN. «
N’importe quoi… » Je le tape sur l’épaule et ça le fait rire. Ce qui est énorme avec lui, c’est qu’on a toujours ce lien fraternel; je sais que je peux toujours tout lui confier et qu’il sera toujours là. Il est mon roc dans la vie. Et il lui est arrivé tellement de malheurs, professionnellement et émotionnellement que je me dis que la roue finira forcément pas tourner, et si je peux l’y donner un petit coup de pouce, je le ferai. «
Alors ? » Je lui fais mon plus beau sourire alors que je sens qu’il flanche. «
D’accord, je vais essayer. Passe moi son numéro…. »