« Shiloh, pourquoi tu t'es encore battu contre elles ? C'est pas grave si elles se moquent de mes tresses. Moi je les aime bien puisque c'est toi qui me les fait. » Shiloh soupira en grimaçant tandis que Jules lui désinfectait les plaies. Depuis leur naissance dix ans plus tôt, elle soignait sa jumelle presque tous les soirs puisqu'elle se battait tous les jours pour la protéger. C'était Shiloh l'aînée et elle ne supportait pas qu'on s'en prenne à sa petite sœur. Alors elle utilisait ses poings pour la défendre. Si Shiloh était le garçon manqué, la plus forte émotionnellement et physiquement, Jules était la plus fragile et la plus féminine. « Désolée Jules, mais tu sais que je déteste qu'on s'attaque à toi. Si je fais pas ça, elles te feront pleurer et elles vont encore plus se moquer de toi. » Jules leva les yeux au ciel et déposa la trousse de premier soin pour prendre sa sœur dans ses bras. Bien qu'elles soient très différentes l'une de l'autre, elles s'entendaient très bien et étaient très soudées. Sans parler réellement de lien ''magique'' entre les jumeaux, elles avaient une connexion différentes de celle des autres frères et sœurs. « Allez arrête ça, sinon tu vas pleurer. » Un rire nerveux s'échappa des lèvres de Jules alors qu'elle lâchait Shiloh et qu'elles partaient dans la cuisine pour manger. Une fois fini, les Lincoln les envoyèrent se coucher. Elles restèrent dans leurs chambres respectives jusqu'à ce que leur parent aillent également au lit et s'endorment. Dès que ce fut le cas, Shiloh entendit sa porte s'ouvrir et elle aperçut Jules avec son doudou. « Je peux dormir avec toi ? » « Oui viens. » Un sourire éclatant apparut sur ses lèvres et elle se précipita dans le lit de sa jumelle. Elle se blottit tout contre elle et passa une de ses jambes entre les siennes. Là, elle se sentait à sa place bien au chaud et en sécurité. « Tu sais Shiloh, je t'aime plus que tout au monde. Plus que le ciel et les étoiles. On sera toujours ensemble dis ? » « Je t'aime aussi et oui on sera toujours ensemble Jules. Maintenant dodo. » Shiloh embrassa le haut du crâne de Jules avant qu'elles ne tombent toutes les deux dans les bras de Morphée.

« Rah merde, Jules va pleurer. » « Ah bon, pourquoi je vais pleurer ? » Shiloh se rendit compte alors qu'elle avait pensé à voix haute et se maudit de ne pas avoir fait attention. « Nous ne sommes pas dans la même classe. » Aussitôt, Jules eut alors les larmes aux yeux. Cela faisait des années qu'elles étaient dans la même classe et là, elles allaient être séparées. Même si ça faisait mal de le dire, Shiloh gardait ses émotions pour elle alors que les larmes coulaient déjà sur le visage de sa jumelle. Cette dernière se jeta dans les bras de sa sœur pour l'enlacer. « Allez Jules, c'est rien. On est pas ensemble en cours, mais on est ensemble pour les récréations et après on se voit à la maison. T'inquiète pas, tout va bien se passer. Il faut que tu te fasses des amies autre que moi. D'accord ? » La jeune fille sentit sa sœur hocher la tête de droite à gauche pour dire qu'elle n'était pas d'accord. Elle leva les yeux au ciel et soupira. Jules commençait légèrement à l'agacer à agir comme une gamine. Elles avaient onze ans maintenant et entraient au collège. Elles n'étaient plus des enfants. « Allez maintenant ça suffit Jules. Tout le monde nous regarde. C'est comme ça et c'est pas autrement. T'es grande alors débrouille toi un peu par toi même. » Shiloh laissa alors sa jumelle ahurie en plein milieu de la cour, le visage en larmes. C'était bien la première fois qu'elle réagissait comme ça envers elle. D'ordinaire, elle cédait à tout ses caprices. Mais là, ce n'était pas dans ses capacités. Et puis ça leur apprendrait à vivre séparée le temps d'une journée. Elles avaient besoin de s'ouvrir au monde et de ne pas rester entre elles, hermétique à toute demande d'amitié. Shiloh entra dans sa salle de classe et se glissa derrière près de la fenêtre pour prendre une place. Leur prof principal entra alors et leur expliqua ce qu'elle attendait d'eux. Lorsqu'elle eut finit son speech, elle demanda aux élèves d'écrire sur un bout de papier leur nom et prénom, leur âge, ce qu'ils aimaient dans la vie et ce qu'il voulait faire plus tard. L'aînée des Lincoln écrivit qu'elle adorait danser et qu'elle aimerait bien en faire son métier... Elle verrait bien avec le temps comment elle dirigerait son avenir.

« Les filles venaient là s'il vous plaît. On a quelque chose d'important à vous dire avec votre père. » Les jumelles qui étaient plongées dans leur étirement après leur entraînement de danse, s'empressèrent de se rendre dans le salon. Elles étaient encore en tenue de danse. Leur parent adoraient les danses de salon et donc avaient décidé que leurs filles apprendraient à danser et qu'importe leur protestation. Si au début Shiloh trouvait ça débile, elle avait fini par si faire et s'était révélée être réellement douée. Cependant, elle était beaucoup moins douée que Jules. Quand on regardait cette dernière danser, on avait l'impression qu'elle allait déployer les ailes qu'elle avait dans son dos pour s'envoler loin d'ici. On aurait dit une chenille qui n'attend que de sortir de sa chrysalide afin de devenir un magnifique papillon. Plus elles apprenaient de danses et plus Shiloh se sentait inférieure à sa sœur. Alors, elle redoublait d'efforts pour la rattraper. Mais pour le moment, c'était comme courir après un fantôme. Elles arrivèrent dans le salon et s'assirent sur le canapé, impatientes d'entendre la nouvelle. Leur parent étaient assis sur le fauteuil en face d'elles. Ils avaient un sourire idiot plaqué sur les lèvres. Shiloh avait une vague idée de ce qui se passait, mais n'était pas tout à fait sûre. « Alors les filles, la grande nouvelle qu'on a a vous annoncer est que votre mère est enceinte... » La bouche des jumelles s'ouvrit grand et elles restèrent quelques secondes sans rien dire. Les mines des Lincoln commença à se décomposer avant que les filles ne se mettent à crier de joie. Elles allaient avoir un petit frère ou une petite sœur. « C'est trop bien. On va être grandes sœurs. » Un sourire immense apparut sur les lèvres de Shiloh et Jules et elles se mirent à danser en plein milieu du salon, une danse de la joie désarticulée et sans aucun rythme. Leur parents se mirent à rire devant ce spectacle. Leurs filles étaient vraiment adorables et mignonnes. Ils savaient qu'elles allaient faire de très bonne grande sœur. Quelques mois plus tard, ils apprirent que c'était une petite fille. Ce fut aux jumelles de trouver un prénom pour leur petite sœur. Elles choisirent de l'appeler Jacqueline mais avec pour surnom Jackie. Jacqueline était le nom de leur grand mère maternelle et elles avaient voulu lui rendre hommage après sa mort.

« JACKIIIIIIIIIIIIE !! TU FAIS CHIER !! » Un rire enfantin lui répondit. Shiloh perdait patience à chercher sa sœur qui lui avait pris son portable pour la punir du fait qu'elle n'avait pas voulu jouer avec elle. Cela faisait maintenant six ans que les jumelles n'étaient plus seules. Mais à dix-huit ans, elles avaient autre chose à faire que de jouer à la poupée avec une gamine. « Jackie s'il te plait, est-ce que tu veux bien me rendre mon téléphone. » « NAAAAAAAAN ! Pas si tu joues pas avec moi. » Shiloh soupira et essaya de se calmer. Heureusement pour la petite fille, elle était sa sœur. Si ça avait été n'importe qui d'autre, elle l'aurait envoyé balader et l'aurait même frapper. Elle ne pouvait même pas l'envoyer jouer avec Jules puisqu'elle était à son cours de chacha. Shiloh avait arrêté la danse de salon pour se consacrer à la danse de rue. Ça lui réussissait bien mieux que de danser avec un balai dans le cul. Cependant, cela lui arrivait aussi, pour faire plaisir à ses parents, d'assister à un cours. C'était également une condition pour qu'elle puisse faire ce qu'elle aimait, de la street dance. « Allez Jackie, soit sympa, et rend moi mon portable. J'ai rendez-vous dans quinze minutes et j'ai besoin de mon portable. Si tu me le rends maintenant, ce soir tu peux dormir dans mon lit. » Aussitôt, la petite souris sortit de sa cachette et rendit le téléphone à sa grande sœur. Shiloh lui ébouriffa les cheveux en lui caressant la tête. « Tu tiendras ta promesse Shiloh ? » « Oui je la tiendrais. Mais maintenant, j'y vais avant d'être en retard. » Elle embrassa le sommet du crâne de Jackie et enfila vite fait ses chaussures. « Vas mettre tes affaires dans mon lit. Comme ça, quand je rentre, on aura plus qu'à aller au lit. D'accord ? » Jackie hocha la tête et se précipita dans sa chambre pour récupérer son pyjama et son doudou qu'elle s'empressa de glisser dans le lit de sa grande sœur. Avec un sourire, Shiloh quitta sa maison pour se rendre au lieu de rendez-vous. Il lui tardait de danser, d'évacuer tout ce qui l'emmerder dans la vie et surtout de s'amuser.

« Nous sommes réunis ici, parce que la famille Lincoln vient de faire l'expérience la plus horrible qu'il soit. Elle a perdu une fille, une jumelle et une sœur. Jésus a dit... » Shiloh n'écoutait déjà plus ce que le pasteur disait. Elle n'avait aucune envie d'être là et encore moins d'écouter un vieux schnock déblatérer des conneries sur la religion et ses autres conneries. Ce qu'elle avait besoin c'était de serrer Jules dans ses bras. Mais maintenant, c'était impossible. Elle ne pourrait plus jamais la prendre dans ses bras, l'embrasser, la faire rire, pleurer avec elle ou même parler. Tout ça parce que son corps froid et mort reposait dans ce cercueil en face d'elle.  À ses côtés, ses parents ainsi que Jackie étaient en pleurs alors que son visage restait désespéramment vide. Shiloh sentait les regards peser sur elle et savait ce que les gens pensaient de son comportement. Ils la trouvaient insensible de ne pas vers une seule larme pour la mort de sa sœur. En fait, elle était trop choquée pour le faire. Elle avait assisté à la mort de Jules et ça aurait du être elle normalement sous les roues de cette voiture. Jules et elle avaient décidé de faire du shopping ce jour là. Elles avaient passé la journée à rire et à dépenser l'argent qu'elles avaient gagné grâce à leurs petits jobs respectifs. Alors qu'elles attendaient pour traverser, une voiture sortit de la chaussée et se dirigea sur elle. Jules poussa Shiloh sur le côté et se retrouva à terre le visage en sang et le corps sans vie. Même là, alors qu'elle contemplait le désastre, elle n'avait pas pleuré. Tout ce qu'elle avait pu faire s'était restée figée devant la scène. Maintenant, elle se retrouvait à l'enterrement de sa sœur et là encore, ses canaux lacrymaux étaient secs. Elle n'arrivait pas à y croire... Elle ne voulait pas y croire. Soudain, sans crier gare, Shiloh se leva et s'enfuit de la cérémonie en courant. Elle avait besoin de s'aérer la tête, de ne plus penser à rien. Elle se rendit au studio de danse où sa sœur travaillait et se mit la musique à fond. C'est alors qu'au rythme des notes, elle se mit à se mouvoir avec élégance. Les années de pratique l'avaient presque fait rattrapé Jules. Elle continua de danser tout au long de la musique. Alors que les dernières notes retentissaient, elle frappa le miroir en face d'elle. Le sang gicla et une douleur aiguë lui traversa le poing. Shiloh retint avec grande difficulté ses larmes. Ça y est, elle pleurait... Elle décida alors d'arrêter définitivement la danse. Cela n'avait plus aucun intérêt puisque Jules n'était plus là pour danser avec elle.

« Shiloh, je ne veux pas te quitter !! » Jackie pleurait dans les bras de sa grand sœur. Cela faisait déjà plusieurs mois que Jules les avait quitté et les Lincoln étaient en train de divorcer. La famille se trouvait à l'aéroport de Washington pour dire au revoir à Shiloh et son père. La jeune femme avait décidé de suivre son père dans sa ville natale. Elle avait besoin de changer d'air, d'éviter de penser à Jules à chaque coin de rue et à chaque boutique qu'elle voyait. De plus, elle avait toujours été plus proche de son père que de sa mère. Jackie n'avait pas eu le choix, elle avait du rester avec sa mère. « Je veux pas que tu partes... Je veux pas ne plus te voir comme Jules. » Shiloh sentit ses parents se crisper au prénom de leur défunte fille. Depuis sa mort, la famille n'avait fait que se déchirer rejetant la faute les uns sur les autres. Shiloh, elle, savait que c'était de sa faute. Si Jules n'avait pas voulu la protéger, ça aurait été elle sous les roues de la voiture. Elle secoua la tête pour chasser ses idées noires et s'agenouilla à la hauteur de Jackie. « Ecoute moi attentivement Jackie. Je ne vais pas partir comme Jules d'accord. Je viendrais te voir dès que j'ai des vacances ou que j'ai envie. Je pars juste parce que je ne peux pas rester ici... » Elle s'arrêta quelques secondes avant de soupirer et de reprendre. « Lorsqu'on a enterré Jules, je n'ai pas pleuré, ni même quand elle était devant moi, morte. La plupart des gens ont pensé que j'étais insensible, que je n'aimais pas ma jumelle, alors que c'était tout le contraire. Je ne peux pas rester dans cette ville où chaque truc que je fais me rappelle Jules et où les gens me regardent avec pitié. J'ai besoin de partir, de changer d'air, de recommencer à nouveau. Je veux aller quelque part où personne ne saura que j'avais une jumelle. Tu comprends ? » Jackie hocha la tête, les yeux pleins de larmes avant de se rejeter une dernière fois dans les bras de Shiloh. La voix de l’hôtesse indiquant l'embarquement les  sortit de leurs au revoir. Shiloh embrassa une dernière fois Jackie et prit sa mère dans ses bras avant de rejoindre son père qui passa un bras sur ses épaules. « Tu es sûre que tu as pris la bonne décision Shiloh ? » « Oui sûre. » Cela marqua le début de leur nouvelle vie.

« Salut t'es nouvelle toi ici, non ? » « Pourquoi ça se voit tant que ça ? » « Oh calme toi ma poule ! J'essaie juste d'être sympa avec toi. » Shiloh fusilla cet inconnu du regard. Comment osait-il l'appeler ma poule alors qu'ils ne se connaissaient pas. « Excuse moi mon carnard, mais on a pas élevé les cochons ensembles pour que tu m'appelles ma poule. » Un grand éclat de rire lui répondit et la jeune femme ne put s'empêcher de sourire. C'était un sacré numéro qu'elle venait de rencontrer là. Elle aimait ce genre de personne sûre d'elle et qui n'hésitait pas à aborder une jeune femme comme ça. « Toi tu me plais bien. Je m'appelle Asher et toi ? » « Je m'appelle Shiloh. » Devant sa mine surprise, la brune ne put s'empêcher de se moquer de lui. Il devait penser qu'une femme se devait de porter un nom de fille et pas un prénom mixte qui allait plus souvent à des garçons qu'à des filles. « Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu pensais que je m'appelais comment ? » « Je sais pas, un prénom de fille quoi, Juliet, Violet, Amber, Kimberley. » Shiloh s'étrangla de rire. C'était vraiment des prénoms stéréotypés de fille. Cependant, ils ne convenaient absolument pas à Shiloh. Elle avait plus un caractère de merde et elle semblait plus près d'un garçon manqué que d'une vraie fille. Il la prit alors par les épaules et commença à marcher vers une sorte de place, le sourire aux lèvres. « Allez viens ma poule ! Je vais te faire visiter la ville. » C'est ainsi qu'une amitié se forma entre Shiloh et Asher. Ils devinrent rapidement inséparables et les rumeurs enflèrent sur leur prétendue relation. Ils ne se voyaient pas comme ça et ne s'était jamais vu ainsi. Ils étaient simplement meilleurs amis sans aucune ambiguïté. Ils avaient leur vie sexuelle et sentimentale en dehors de leur relation amicale. Jamais, ils ne pourraient coucher ensembles... JAMAIS.

Et voilà, encore une fois, elle se retrouvait face à un cercueil et encore une fois son visage restait désespérément vide de larmes. Elle venait de perdre son meilleur ami à cause de la tornade. Shiloh se mit réellement à penser qu'elle était maudite. Comme pour Jules, elle ne put rester jusqu'à la fin de la cérémonie. Elle n'en pouvait plus de s'attacher aux gens et de les perdre quelques temps plus tard. Elle décida que maintenant, elle se montrerai froide et inaccessible et ainsi plus personne ne l'approcherait. Quelques temps après la tornade, elle quitta son emploi bien payé et se fit engager dans un sex shop. Elle en avait marre de ne pas profiter de la vie. Elle voulait simplement faire tout ce qu'elle pouvait pour s'amuser et ne pas penser aux conséquences. Shiloh décida également de devenir strip-teaseuse. Ce n'était pas vraiment de la danse alors la promesse qu'elle avait faite à Jules était toujours intacte. Elle prit son deuxième prénom comme nom de scène. Maintenant, elle était connue sous le nom d'Avalon. La jeune femme était devenue une autre femme. Même si elle n'avait jamais été sage, là, elle semblait être la plus dépravée de la ville. Elle eut même une réputation... Elle était devenue la nymphomane de la ville et ça ne la dérangeait pas plus que ça.