J'suis rentré chérie. Une odeur de cigarette froide attira soudainement l'attention du jeune homme brun qui se tenait dans l'encadrement de la porte d'entrée de l'appartement. Il ferma les yeux quelques secondes comme pour se contrôler de hurler. Il détestait l'odeur du tabac et même s'il demandait souvent à Mina d'interdire à ses amis de fumer, elle ne l'écoutait pas. Son inconfort s’effaça presque aussitôt lorsqu'il croisa le regard charmeur de sa petite-amie. Ses yeux s'attardèrent quelques secondes sur sa peau de porcelaine constellée de tache de rousseur et sur sa bouche, rouge et parfaitement mise en valeur par un maquillage habile. Elle était tellement jolie sa Mina. Il l'aimait tellement. Pour elle, il était prêt à tous les sacrifices. L'odeur du tabac lui semblait être un problème dérisoire désormais. Le jeune homme s'approcha doucement de sa petite-amie, le corps encore engourdi par la journée de folie qu'il venait de vivre. Il déposa sa casquette de police sur le canapé avant d'enlacer tendrement Mina. La jeune femme recula presque aussitôt, une lueur étrange dans les yeux. Une lueur qui ne présageait rien de bon.
Tout va bien ma puce ? Sa main se posa doucement sur l'épaule frêle de Mina qui la repoussa de suite.
Laisse-moi. Alexander l'observa à travers ses grands yeux verts. La jeune femme se dégagea à nouveau de l'étreinte de son petit-ami.
J'en peux plus Alex. J'peux plus faire semblant. Tu m’étouffes. T'es toujours en train de me demander si ça va, si c'est assez cuit, si mon café n'est pas trop chaud. J'veux pas un chien Alex. J'veux un mec. Le jeune homme ferma les yeux quelques secondes, comme pour se remettre les idées en place.
T'es pas assez bien pour moi. Je préfère qu'on arrête là. Alexander plongea ses yeux dans ceux de Mina. Elle esquiva rapidement son regard inquisiteur.
T'es pas heureuse avec moi ? Qu'est-ce que je fais de mal ? Dis-moi, je vais faire des efforts. Tu sais que je t'aime Mina, tu le sais, hein ? Elle haussa ses épaules sans rien répondre.
Je t'aime. Sa voix n'était plus qu'un murmure. Sa petite-amie attrapa son sac à main sans lui accorder un seul regard. Je récupère mes affaires demain. Alexander, dans un état second, l'observa sans bruit quitter l'appartement, ses talons résonnant dans le silence oppressant de l'immeuble. Il se rapprocha de la porte d'entrée pour la refermer, sans mettre le verrou, dans l'espoir qu'elle revienne en pleine nuit pour le rejoindre dans leur lit. Il resta assis sur le canapé du salon durant de longues heures, sans même enlever son uniforme. Le regard dans le vague, il attendait patiemment le retour de celle qu'il aimait. Les heures passèrent et bientôt, les premiers rayons du soleil éclairèrent la pièce. C'est à cet instant que le jeune homme accepta l'évidence. Elle était partie pour de bon.
Aleeeeex. Le cri résonna dans tout l'appartement. Le prénommé Alexander sursauta avant d'ouvrir la porte de la salle de bain, vêtu d'une simple serviette nouée autour de ses hanches généreuses. Il se précipita en direction du bruit, un endroit qu'il ne fréquentait qu'en cas d'extrême urgence : la cuisine. C'était plus fort que lui, il ne savait pas cuisiner. Il détestait ça, il n'avait pas la patience de laisser un plat mijoter et généralement, ses plats finissaient en cendres. En débarquant dans ladite pièce, ses yeux se posèrent presque immédiatement sur Teddy, son colocataire depuis quelques temps. Ses main étaient posées sur ses hanches fines, ce qui ne présageait rien de bon. Alexander baissa aussitôt ses yeux sur ses pieds. Son nez se plissa lorsqu'il remarqua l'odeur de brûlé qui régnait dans la pièce.
Bordel Alex. Quand tu mets un truc dans le four, tu restes pas dans une salle de bain pendant une heure. Le brun lui adressa une petite grimace d'excuse.
Mais sur la boite... c'est marqué de laisser chauffer pendant une heure... j'ai pensé... l'autre lui coupa sèchement la parole.
T'as mal pensé. Tu dois régler le four sur la bonne température. Il soupira.
Ça fait trois fois cette semaine. Alexander haussa ses épaules massives.
J'suis désolé. Le traiteur d'en bas est fermé pendant deux semaines. Il baissa à nouveau les yeux, comme un petit garçon pris en faute. Sa technique pour -presque- tout se faire pardonner.
Tu veux pas m'apprendre à cuisiner ? Ses yeux brillaient. Il ne voulait pas tellement apprendre à cuire quelque chose au four. Il voulait surtout passer du temps en tête à tête avec Teddy. Son Teddy bear comme il aimait l’appeler. Le jeune homme détestait ce surnom d'ailleurs, ce qui n'arrêtait pas le plus âgé. Teddy leva les yeux au ciel sans rien lui répondre et il se dirigea en direction du salon pour s'installer dans le canapé. Alexander s'empara du plat calciné et il le jeta dans la poubelle en prenant bien soin d'aérer la cuisine pour enlever l'odeur de brûlé. Il quitta ensuite la pièce pour rejoindre Teddy, qui zappait sans grande conviction la centaine de chaine qu'ils possédaient. Alexander n'osait pas s'assoir à côté de lui, l'autre homme semblait trop de mauvaise humeur pour prendre le risque de l'énerver d'avantage.
T'es fâché ? Teddy lui adressa un regard aussi noir que son plat de pâtes calciné.
Non. Il marqua une pause en plissant ses yeux bruns.
Tu vas rester en serviette toute la journée ? Alexander haussa l'un de ses sourcils. Il n'avait aucun soucis avec son corps, il était tout à fait capable de rester en boxer toute la journée, il était chez lui après tout.
On est samedi, je bosse pas. En plus, c'est toi qui a crié, j'ai pas eu le temps de m'habiller. Teddy haussa ses épaules.
Comme tu veux. Assis sur le canapé de ses parents, Alexander buvait un verre de whisky en compagnie de son père. Ce dernier était retraité depuis cinq ans, c'était un ancien policier et il était fier de voir que son fils suivait ses traces. Sa mère, Rose, s'affairait dans la cuisine pour préparer le repas de noël. Ils n'étaient que trois ce soir-là. Les petites sœurs du jeune homme ne pouvaient pas venir cette année et il n'avait pas eu le cœur de laisser ses parents seuls durant les fêtes. Il ne rendait visite à ses parents qu'une fois par an, pour noël le plus souvent. Alexander n'était pas du genre à trainer dans les jupons de sa mère. Lorsqu'il venait la voir et qu'elle lui posait les mêmes questions sur sa vie amoureuse, il devenait fou.
Tu as rencontré quelqu'un récemment mon chéri ? Rose s'installa à côté de lui et elle essuya ses mains sur le tablier blanc qu'elle portait lorsqu'elle cuisinait.
Ouais. Mais c'est compliqué, j'veux pas en parler. En réalité, il crevait d'envie d'en parler. Il était tombé sous le charme d'un garçon quelques jours auparavant, un garçon qu'il trouvait adorable, caractériel et forte-tête, mais très séduisant. Ce jeune homme était encore étudiant, il avait seulement vingt ans mais il attirait fortement Alexander. Le brun n'avait pas pour habitude de partager ses émotions et bien évidemment, l'autre garçon ne savait pas ce qu'il commençait à ressentir pour lui.
Tu es sur ? Sa mère lui lança un petit sourire timide. Elle le connaissait bien, même s'il masquait ses pensées.
Il s'appelle Teddy. Il est jeune mais assez mature pour son age, fin ça dépend des jours. Un sourire s'incrusta sur ses lèvres à cette pensée.
Il est vraiment mignon. Mais... Parce qu'il faut toujours un mais.
C'est le meilleur ami de Mina. Je l'ai déjà croisé avant ça se passait plutôt bien. Et puis là... il est vachement distant, j'ai l'impression qu'il me déteste et j'sais même pas pourquoi. Sa mère posa sa main sur la sienne dans un geste maternel.
Il me plait mais c'est pas du tout réciproque. Son père se racla la gorge avant de boire une gorgée de son whisky.
Fiston, les hommes sont pas très compliqués à vivre. Demande-lui clairement ce qu'il a. Rose hocha la tête de haut en bas pour approuver le conseil de son mari.
Harry a raison. Va lui parler et avoue lui ce que tu ressens pour lui. Alexander leva les yeux au ciel. Lui, aborder en face à face ses sentiments au mec qui lui plaisait ? Hors de question.