Ça tourne là-haut, Seth vacille, il ne sait même plus comment il en est arrivé à être dans cet état. Il n'a pas l'impression pourtant d'avoir bu tant que ça. Son esprit est confus, sa mémoire clairement mise en stand-by. Pourtant, l'adolescent sait pertinemment qu'il ne tient absolument pas le mélange joint et alcool, et même le petit sermon de leur voisin quelques jours plus tôt, même si cela lui a fait un peu réfléchir, n'a pas complètement changé sa façon complètement stupide d'agir. La dispute avec son père avant de partir a été particulièrement violente et une fois de plus Seth a fini par partir en hurlant et en claquant la porte. Alors il n'a pas su dire non, quand on lui a proposé le joint et la sortie dans ce bar. C'est sa façon à lui de se venger, mais il ne prend pas vraiment conscience que c'est lui-même qu'il punit plus que son père.
« Putain ça tourne, je vais vomir. » Il se dirige droit vers les toilettes fonçant dans les gens sans même s'excuser, seul atteindre cette petite pièce lui importe. Arrivé à destination, il se sent plus mal encore, l'odeur imprégnée dans la pièce l'écoeure. Contrairement à ce qu'il pensait, Seth ne rend pas, mais il s'adosse au mur, peinant à tenir encore debout. Il a un moment dans l'idée de se passer un peu d'eau sur le visage, mais son esprit n'a pas le temps d'arriver au bout de sa pensée qu'il perd connaissance et se laisser glisser pour terminer assis par terre, les yeux dans le vide.
La tête lourde, qui se balance, il semble n'avoir aucun contrôle sur son propre corps. Une voix s'adresse à lui, l'adolescent peine à entrouvrir les yeux et reconnait à peine un des barmans. Il est toujours dans un état léthargique, et se laisse transporter hors des toilettes vers un autre endroit, il ignore où, la lumière lui agresse les yeux et de toute manière perd plus ou moins à nouveau connaissance dès que ce dernier le pose à terre, dans la réserve du bar. Il na pas conscience d'où il se trouve, il n'a plus conscience de rien, c'est un peu comme s'il flottait sur un nuage, la sensation est étrange et désagréable au possible.
« N-Non, l'app.. Pas. » Seth est encore plus ou moins dans les vapes, il bafouille, mais il a senti qu'on lui fouillait les poches, et surtout il capte vaguement la voix qui s'adresse clairement à quelqu'un d'autre que lui. Il est dans un état pitoyable, mais il comprend ce que l'autre fait, alors le jeune homme panique.
« I-il doit p-pas savoir, il doit p-pas ve-venir. » Trop tard le barman a déjà raccroché. Seth referme les yeux, qui étaient à peine ouverts et s'endort, adossé à des cartons contenant les réserves de boissons destinées à être servie plus tard aux clients.
Encore une voix au loin, elle résonne dans son crâne, mais il est incapable de l'identifier, ni même de percevoir ce que cette voix lui dit. Il somnole, son corps est mou, on le touche, il bouge tel un pantin.
« Qu-quoi ? » Cette fois, la voix s'est élevée, ça le réveille en sursaut, et il tombe nez à nez avec Anton. Un haut le coeur lui prend et se retient péniblement de ne pas vomir sur son père. L'adolescent ne voulait pas que ce dernier le voie une nouvelle fois dans un état de ce genre, et particulièrement ce soir, qui est probablement encore bien pire que la fois où il avait dû venir le chercher au commissariat de police.
« Hummm. C'est... C'est de ta faute. » Ce n'est probablement pas le moment de culpabiliser Anton, mais il ne peut s'en empêcher. Après tout, ça reste en partie vrai, puisque si Anton se décidait à parler, à dire à ceux qui les entourent qui ils sont véritablement l'un pour l'autre, Seth arrêterait probablement ses conneries, ou au moins il essayerait de sortir un peu de cet engrenage au lieu de s'y enfoncer toujours un peu plus.
« Avec ça. » La bouche pâteuse, il s'humidifie les lèvres un peu tout en sortant inconsciemment la fausse carte d'identité qui lui permet de suivre toute sa petite bande de mauvaises fréquentations dans leurs soirées.
Le jeune homme essaie de se relever, mais manque à deux reprises de tomber. Une fois debout, il tangue dangereusement et est obligé de se tenir aux murs pour ne pas chuter. Ses jambes sont en coton. Seth est bien trop fier pour l'admettre, mais il n'est pas capable de marcher actuellement tout seul. Bien trop fier également pour demander l'aide de son père
« Me touche pas ! » Lui dit-il en criant, alors qu'il vient de tomber en tentant d'avancer malgré tout, malgré son mal de crâne, malgré les vertiges. Hors de question de s'abaisser à lui laisser avoir raison, à lui donner la preuve qu'il n'est encore qu'un gamin qui a besoin de son père. Puis cela fait tilt dans son crâne embrumé. Si, justement, c'est exactement ce qu'il doit faire pour qu'enfin peut-être Anton réalise que c'est de ça dont il a besoin, d'un père, pas d'un frère.
« Pardon. » Seth se jette contre l'écrivain et s'accroche à lui, entourant la taille de son père avec ses bras.