Je sais bien que tu m'appelles et que je réponds pas, mais dis-toi que j'ai juste pris la voiture et que je suis parti, que je conduis la vitre ouverte, dans la nuit éclairée par la voie lactée. Je sais bien que tu comprends pas mais peu importe le résultat, ça change rien à l'amour que j'ai pour toi, je t'assure. Et un jour elles se refermeront tes blessures.

choisir. Une femme blonde, les yeux bleus bordés de larmes, des chaussures pleines de boue, des vêtements militaires, et une casquette de soldat se dirige avec un pas rapide vers une grande maison construite de briques noires. Elle frappe à la porte. Plusieurs fois. Et la porte s’ouvre sur une femme rousse, un peu plus jeune qu’elle. Elle lui sourit. Elle baisse la tête et son sourire s’étire un peu plus lorsqu’elle voit le bébé dans les bras de la jeune femme. Sara n’a pas d’autres choix. Le père est parti dès que le cadeau qu’elle tient dans les bras est né. Et elle ne veut pas reproduire les erreurs de sa mère avec cet enfant encore si petit, encore si innocent. Elle a du mal à s’en détacher, ne sachant pas si elle la reverra un jour. Espérant que non, espérant que oui. Elle signe tous les papiers, l’enfant encore dans les mains. Elle aurait peut-être préférée que sa mère fasse ça pour elle finalement. C’est peut-être pour ça qu’elle le fait. C’est la première fois qu’elle regrette de faire ce qu’elle fait. Elle finit par lâcher l’enfant et la remet à la jeune femme rousse en face d’elle. « Elle s’appelle Saoirse. Saoirse Athena Cartwright. C’est le nom de jeune fille de ma mère. Je porte celui de mon père. » Elle a ce besoin de se justifier. Et la rousse semble comprendre et lui sert gentiment l’épaule. Sara laisse échapper une larme. Son portable sonne, elle décroche. Elle hume quelques fois son consentement et tend le portable à la femme rousse qui pose le bébé dans un berceau et récupère le portable. Elle hume son consentement à son tour, et rend le portable à la femme blonde. Elle s’est calmée, elle ne pleure plus. Elle a repris son physique formel. Elle ressort de l’orphelinat. Elle part en Afghanistan demain. Et elle ne sait pas si elle reviendra vivante.

sourire. « Les enfants, calmez-vous ! » Vous êtes cinq à vous stopper exactement à l’endroit où vous êtes, dans la position où vous êtes. Vous avez huit ans. Et vous vous empêchez de rire. Vous êtes devenus amis. Mais particulièrement avec Eustache. Tu te moquais de son prénom quand tu l’as rencontré. Ses parents étaient français. Ils sont morts. D’un accident de voiture. Lorsque tu vois la position dans laquelle il a dû s’arrêter, tu tombes par terre et t’es obligée de te tenir le ventre tellement tu rigoles fort. Les autres enfants te regardent et ont du mal à retenir leur sourire. Quant à la surveillante, elle lève les yeux au ciel, mais personne ne loupe le sourire qu’elle arbore. « Bon allez, oust ! Au lit, mauvaise graine. » Vous souriez tous et vous écoutez. Vous retournez chacun dans votre chambre. Avant d’entrer dans la tienne, Eustache te retiens la main. Tu lui souris, et il te donne un médaillon. « C’était à ma maman je crois. » Tu le regardes. Il est magnifique. Toi aussi t’aurais bien voulu que ta maman te laisse un médaillon. Mais elle n’a rien laissé que le numéro de quelqu’un. Qui n’est évidemment pas elle. Tu veux lui rendre mais il t’oblige à le prendre. « Garde le. C’est toi ma famille maintenant. » Tu lui souris et attache le médaillon autour de ton cou. Oui, c’est toi sa famille maintenant. Et lui, c’est ta famille. Et cette maison, c’est ta maison. Et c’est Iris qui t’éduque. C’est ici ta maison. C’est eux ta famille. Tu t’y sens bien. Tu rentres dans ta chambre où Aurore est là. Elle t’accueille avec un oreiller dans la tête, et t’es rapide à sauter sur ton lit pour lui renvoyer. « Les filles !!! » Vous rigolez, mais vous vous dépêchez de vous coucher. Demain sera un autre jour. Tu t’endors le sourire aux lèvres.

relier. Douze ans. Ta vie à l’orphelinat est toujours là même. Aurore a été adoptée cela dit. Mais elle continue à te venir te voir. Ses parents sont vraiment gentils, et même si ça te fait pas vraiment envie, tu dois avouer que c’est beau de voir ça. Puis un jour, toi aussi t’as une visite. Elle est belle. Elle pourrait être ta mère vu son âge. Mais ce n’est pas ta mère. Elle s’assoit en face de toi et te souris. Tu lui rends son sourire, parce que t’es polie, même si t’es une teigne. « Je m’appelle Valérie. Valérie Greenberg. Je viens d’une petite ville, mais je connais ta mère. » Tes yeux s’écarquillent, s’illuminent, mais en voyant ça, elle te sourit tristement et se dépêche de continuer. « Elle ne souhaite pas être retrouvée. Je ne pense pas que tu puisses la retrouver. » Tes sourcils se froncent. « Mais pourquoi ? » Elle te sourit, et hausse les épaules. Elle ne peut rien dire. Elle sort quelques papiers après avoir largement aspiré et elle les pose sur la table en face de toi. « Avant de partir, ta mère m’a nommé avocate de ton dossier. Ce qui veut dire qu’en gros, pendant toute ta vie, si tu as des problèmes avec la justice, je serais celle qui te défendra. Ce n’est pas un contrat écrit, mais ta mère est une amie donc… » Elle continue à parler, mais tu ne l’écoutes pas. Tu penses à ta mère. Comment était-elle ? Gentille ? Douce ? Ou au contraire méchante, voir cruelle ? Tu rêves de pouvoir lui poser plein de question, mais tu sais qu’elle répondra pas. Alors finalement, tu la coupe dans son discours qui ne semblait plus convaincu, probablement avait-elle remarqué que tu ne l’écoutais plus, et tu lui poses la question qui te tracasse depuis que tu sais qu’elle connait ta mère. « Elle va bien hein ? Elle est pas morte ou malade ? Hein ? » Elle te sourit et te prend la main. Tu ne t’offusques pas, tu laisses ta main là, t’aimes même bien ce contact. « Elle va très bien. »

comprendre. T’as quatorze ans. Eustache en a seize. Il tourne en rond dans sa chambre, faisant les cent pas. « Je vais m’enfuir. » Il lâche ça comme une bombe. Parce oui, c’est ce que c’est pour toi. Une véritable bombe. « Pourquoi tu veux me laisser ? » Il s’approche de toi et il pose ses lèvres sur ton front. « Mais non Rocket, je veux pas te laisser. Mais j’en peux plus de cet endroit. Je suis là depuis que j’ai trois ans, et je me suis jamais fait adopter. » Tu baisses les yeux. Toi non plus, tu t’es pas fait adopter. T’as pas eu de nouvelle de Valérie après ce jour il y a deux ans, mais pas de nouvelle, bonne nouvelle n’est-ce pas ? Tu souris à ton ami, espérant que c’était une blague ou qu’il change d’avis, mais il semble déterminer. « Tu vas m’aider. » « Non. » Il s’assoit sur le lit en face de toi et semble réfléchir. Finalement, il se met à genoux devant toi. « S’il te plait ! Promis, quand t’as dix-huit ans, tu viens t’installer chez moi. » Tu le regardes, et tu hésites, et il le voit parce qu’il sourit. « D’accord. Tu veux que je fasse quoi ? » Il t’explique et le soir même, tu exécutes. Il part. Tu pleures. Tu l’aimais Eustache. Comme un ami. Les surveillants ne partent pas à sa recherche, pas même Isis, parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas que ça à faire. Tu leur fais la tête de pas essayé de le ramener. Puis tu trouves une lettre qu’il t’a laissée. Dedans il explique qu’Isis était dans le coup. Il est gay, et personne ne l’a jamais adopté à cause de ça. Il en est persuadé. Du coup, il va vivre sa vie dehors, il va être indépendant. Isis l’y a autorisé. Pas le directeur de l’orphelinat, c’est pour ça qu’il a dû s’enfuir. Pour pas qu’Isis risque son travail. Mais il dit qu’il va continuer à voir Isis. Tu souris. Tu laisses la lettre sur ton lit et va faire un câlin à Isis qui te le rend. « Il sera bien plus heureux là dehors qu’enfermé ici. »

grimacer. Elle est revenue. Quelques semaines seulement après que Eustache soit parti. Elle est revenue. Mais pas seule cette fois ci. Elle a apporté un machin qui ressemble à un mouton avec elle. Vous vous asseyez dans une salle où il y a une table ronde. Tu lui proposes gentiment un verre d’eau, et elle répond favorablement. Tu pars dans la cuisine lorsqu’une voix t’arrive à l’oreille. « J’en veux bien un moi aussi. » Tu te retournes et tu comprends que c’est le mouton qu’a parlé. La mère a l’air gênée, mais tu pars vers la cuisine sans y faire attention. Finalement tu reviens avec deux verres. Tu en donnes un à Valérie et l’autre à mouton. « Alors, comment tu vas ? » Tu regardes Valérie et lui sourit. « Ça va. » Tu ne peux t’empêcher de regarder le truc à côté d’elle, et de te demander qui il est. Valérie le remarque. « C’est mon fils. Keygan. » « Oh ? Je croyais qu’il s’appelait mouton. » T’es pas jalouse, mais c’est juste que tu comprends pas ce qu’il fait là. Pourquoi il est là. Elle avait pas d’enfant la dernière fois. Puis tu reviens sur terre lorsque tu vois l’affreuse langue du garçon sortir de sa bouche et son nez prendre une forme bizarre grâce à ses doigts. Il essaye de faire quoi au juste ? Tu souris lorsqu’il imite le bruit du mouton et qu’il explose de rire. Il est gentil finalement. Tu décides que tu l’aimes bien. Tu rigoles avec lui, et tu lui fais ta pire grimace. Sa mère sourit et sort de la salle. Tu vois qu’elle parle avec Isis, la porte est ouverte pour qu’elle garde un œil sur vous, mais toi t’es concentré sur le garçon en face de toi. Tes grimaces sont plus horribles que les siennes, mais tu rigoles à chacune des siennes. Tu t’es trouvé un nouvel ami. « Je m’appelle Saoirse. » « Je sais, Valérie me l’a dit. »

s'éloigner. Tu n’as pas de nouvelles d’Eustache. Isis refuse de parler de lui. T’as plus de nouvelles d’Aurore, ses parents ont déménagés. T’as pas revus Keygan depuis la dernière fois, il y a deux ans. Tu n’arrives pas à comprendre pourquoi Isis refuse de te parler d’Eustache, tu pensais qu’ils garderaient contact, mais manifestement non. Alors tu passes à autre chose, ou tu essayes. Mais les chambres changent de propriétaires au fur et à mesure que les gens viennent adopter. Toi, tu as déjà seize ans, maintenant plus personne ne t’adoptera. Tu vas rester ici deux ans et ensuite, t’iras vivre ta vie. Les gens que tu aimes sont tous partis. En commençant par ta mère, en finissant par Keygan. Pourquoi il revient pas hein ? Pourquoi Eustache ne prend pas contact avec toi ? Pourquoi Aurore a arrêté de t’envoyer des lettres ? Tu te mets de côté, essayant d’éviter de t’accrocher aux petits nouveaux, de peur de les voir partir. Alors tu restes à côté de tout, regardant comme une spectatrice des gamins vivre la même chose que tu as vécue il y a dix ans. Des fois, tu laisses échapper un rictus lorsque cette blonde fait des trucs que tu sais que tu faisais à son âge. T’essayes de ne pas t’attacher à elle, mais c’est dur. Sabrina elle s’appelle. Et ses parents sont en prisons. Tu te mets de côté, elle est à part, alors tu te mets de son côté. Point final. C’est la seule enfant de l’orphelinat à qui tu ais parlé depuis un an.

Je sais bien que t'es en colère, que t'aimerais bien que je revienne, rien que pour pouvoir me coller un bon coup de pied au cul, ou une correction digne de ce nom. Je sais bien que tu t'en veux mais t'y es pour rien il faut que tu l'acceptes, c'est la faute au coucou qui est dans ma tête. À tous mes tocs, mes tics et mes fixettes.

s'amuser. Ils sont enfin revenus. Valérie et Keygan. Ils sont revenus pour toi. Valérie essaye de te parler pour te préparer au monde dans lequel tu vivras plus tard. Mais toi, tu essayes de rester sérieuse, essayant d’oublier que derrière, Keygan, âgé de 15 ans, te fait des yeux débiles, et des grimaces assez hilarantes. Puis finalement, Valérie te pose une question Machinalement, tu réponds « oui. » C’est là que Keygan explose rire. « Je vois… » Tu te reconcentres sur elle, et elle a un visage amusé. « Je t’ai demandé l’heure Saoirse. » Tu rigoles aussi, et tu baisses les yeux, honteuse. Elle vient de loin, et toi, tu ne l’écoutes même pas. « Bon, je vous laisse une demi-heure vous deux, et ensuite je reviens et on parle sérieusement, d’accord ? » Tu hoches la tête, et Keygan fait de même. Une fois qu’elle est sortie de la pièce, vous explosez de rire. « Espèce de mouton machiavélique ! » Il rigole et d’un ton complètement normal te lance. « Cap ou pas cap d’aller dehors dire l’heure à Valérie avec un grand sourire innocent ? » Tu souris, te lèves et sort de la salle. Tu reviens après que Valérie t’ai sermonné et t’ai dit d’aller retourner jouer à des jeux débiles avec Keygan. Tout ça en riant bien sûr. « Cap ou pas cap de… » Et vous continuez, jusqu’à ce qu’il doive repartir. Finalement, l’entretien avec Valérie se fera par téléphone.

s'envoler. Isis est là. Elle te sourit tendrement, et toi, ton sourire est encore plus énorme. T’as eu dix-huit ans hier. Et tu peux enfin sortir de cet orphelinat. Sabrina pleure, elle te saute dans les bras. « Tu viendras me voir hein ? » T’as pas envie de lui faire des promesses en l’air, alors tu lui dis la vérité. « Je sais pas ma belle. Je sais pas. » Les autres te disent au revoir, même s’ils ne te connaissent pas. Ce n’est qu’Isis qui réellement te fait un câlin. Elle est arrivée juste avant que ta mère te dépose à l’orphelinat, et toutes les personnes qui y étaient alors sont parties. Tu étais la dernière. Maintenant, il n’y a plus que des nouveaux. Elle te glisse à l’oreille, juste avant de te lâcher : « Eustache travaille dans un magasin d’animaux à cette adresse. » Elle te lâche et te donne un papier. Ton sourire s’élargit encore un peu plus, et tu l’embrasses sur la joue avant de prendre ta valise et de t’en aller, seule, dans les rues de New York.

retrouver. Il est en face de toi, le magasin qu’indique l’adresse que t’a donné Isis. Tu prends une longue respiration avant de trouver le courage d’ouvrir la porte. Tu poses la main sur la poignée et pousse le bout de métal. Un bruit de sonnette arrive à tes oreilles. Ton cœur va vite. Ça fait quatre ans que tu ne l’as pas vu. Lorsqu’il apparait d’abord dans l’entrebâillement de la porte, il est de dos. Mais tu le reconnais. Parce que c’est Eustache, et que tu reconnaîtrais ses cheveux blonds parmi tous. Puis il se retourne et commence une phrase de vendeur typique avant de lever les yeux. Lorsqu’ils se posent sur toi, il sourit. Tu ne l’as jamais vu sourire comme ça avant. « C’est toi ? Ma Rocket ? » Tu souris encore plus en entendant ton ancien surnom, et lorsqu’il sort de derrière le comptoir, tu lui sautes dans les bras. « Je suis contente de te voir. Tellement heureuse. » Il t’éloigne de lui, son sourire est fade, mais tu ne lui fais aucune remarque. « On va fêter tes dix-huit ans. Promis. » Tu te relances dans ses bras, souriant comme une gamine qui vient de retrouver un membre de sa famille. Comme une gamine à qui on vient rendre son meilleur ami. Mais tu ne vois pas que lui, il pleure.

s'élever. Lorsque tu as été le voir à la boutique, tu as adopté un chat, une petite chatte que tu as appelé Isis. Il a souri au nom que tu lui as donné. Il t’a aidé à trouver un appartement, dans le même immeuble que lui. Il t’a dit que tant que tu ne trouvais pas de boulot, il pourrait payer pour vous deux. Au début, tu as refusé. Puis il a insisté, donc tu as accepté. Tu t’es installé dans cet appartement, qui n’est finalement qu’un studio, avec Isis. Tu t’y sens bien. Il est petit, mais tu peux y mettre quelques photos. Une photo d’Eustache et toi à l’orphelinat. D’Aurore et toi, et finalement, une de Sabrina et toi. Elle était à Sabrina, tu lui as pris avant de partir. Elle doit t’oublier, tu dois te souvenir d’elle. Tu étais celle qui devait avoir la photo. Tu penses à Sabrina. Qu’est-ce qu’elle fait maintenant ? Elle pleure peut-être. Tu veux pas qu’elle pleure. Le chaton vient se mettre à côté de toi et se met à ronronner. D’après Eustache, ce chaton n’a que quelques mois à vivre. Il a refusé que tu payes pour elle pour cette raison. Tu es débile. Tu vas t’attacher, et tu vas finir en train de pleurer sur un cadavre de chaton dans quelques mois. Demain, tu chercheras du travail, tu commenceras à payer ton loyer le plus rapidement possible. Et ta vie pourra commencer.

regretter. Tu ne le savais pas. Tu n’étais pas au courant. Tu as appris qu’Isis l’était. Tu as appris qu’elle n’était pas censée te renvoyer vers lui. Il lui avait demandé de ne pas le faire. Il était atteint d’un cancer. Incurable. Il est mort la nuit dernière. Tu étais le numéro à appeler en cas d’urgence. L’hôpital t’a appelé. Tu pensais qu’ils appelaient parce qu’ils avaient les résultats de ta prise de sang, mais après, t’as compris que quelque chose n’allait pas. Il était une heure du matin. Tu ne sais pas qui l’y a accompagné. A l’hôpital. Quand t’es arrivé, y’avait plus personne. Juste les infirmières, qui t’ont fait signer des papiers. Il est mort. Toi t’es seule.

observer. Tu marches dans les rues de New York. T’as encore eu deux refus pour le boulot. Eustache avait mis un peu d’argent de côté pour payer ton appartement lorsqu’il mourrait. Il t’aimait. Il avait dit à un de ces amis que t’as rencontré qu’il te considérait comme sa petite sœur. Il parlait beaucoup de toi il parait. Tu t’arrêtes en plein milieu de la rue, les gens râlent, mais tu t’en fous. Il te manque. Pas comme à l’orphelinat, où tu savais que tu le reverrais. Il te manque parce que tu sais que la seule fois où tu le reverras, ce sera dans un cercueil. Tu baisses les yeux. Tu ne pleures pas, tu es bien trop triste pour. Ton cœur est serré, tu as chaud, tu te sens mal. Tu vomis. Les passants râlent, tu t’en fou. Ils n’ont pas perdu leur meilleur ami. Tu relèves la tête, t’essuie la bouche avec un papier que tu as dans ta poche et te remets à marcher. Derrière toi, quelqu’un tombe. Les gens rigolent, toi non. Quelqu’un d’autre ne rigole pas. Il est beau. Mais tu détournes le regard, parce que ce n’est pas le moment. Et tu continues d’avancer. Tu te retournes juste une fois, et il te regarde lui aussi. Et il détourne le regard. Lui aussi.

pleurer. « Nous sommes ici réunis pour dire adieu à notre cher ami Eustache. Faites que sa vie là-haut soit meilleure. » T’as envie de lui faire bouffer sa coupe de champagne. « Quelle vie ? Il est mort ! » Tu te retournes, comme tout le monde, vers la voix qui vient de parler. Mais attend, tu le connais lui ! Retour arrière, deux jours plus tôt. Ce garçon mignon, dans la rue. Qu’est-ce qu’il fait là. « On peut savoir qui tu es ? » Tu regardes le garçon qui parlait au début. Il a l’air arrogant. Qu’est-ce qu’Eustache pouvait bien faire avec lui ? « Je m’appelle Isak. Et pour ceux qui connaissaient vraiment Eustache, ils savent qui je suis. » Ouch ! Mais qu’est-ce qu’il insinue lui ? Il sort en trombe de l’église, et l’autre garçon se remet à parler. « Hum hum… Donc euh oui, nous espérons que dieu le recueillera dans sa maison et… » C’est à ton tour de te lever. Le garçon se stoppe. Tu te retournes vers lui. « Oui ? » Il te jauge de haut en bas, et finit par parler. « Qui es-tu ? » Tu lèves les yeux au ciel. « Je m’appelle Saoirse, je crois pas en dieu, et si vous aviez vraiment connus Eustache, vous auriez su que lui non plus. Oh, pardon, j’ai péché. Oups ! » Tu ouvres la grande porte de bois de l’église et en sort. Bon, c’est pas totalement vrai que t’y crois pas. Mais qu’Eustache y croyait pas, ça, c’est une certitude. Le garçon est assis sur les marches, il joue avec son pull. « T’es sorti aussi ? » Tu t’assoies à côté de lui, tu ne réponds pas. Vous honorez la mémoire de ton ami ensemble. Et au bout d’un quart d’heure de silence, tu lèves les yeux vers lui. « Je m’appelle… » « Je sais qui tu es. » Il te coupe, il te sourit. « Eustache était mon petit ami, il me parlait souvent de toi. »

Encore le même matin, encore le même réveil, seul dans les draps sales, putain, dans les draps sales de mon sommeil. Encore rêvé de mes dents qui tombent - Cette fois ci y avait aussi des morceaux d'ongles, du sang séché. L'autre fois j'ai vomi du verre pilé. Je finirai par me les limer - mais plus tard, plus tard.

reprendre. Ca fait quelques mois qu’il est mort. Et t’arrives à peine à passer au-dessus. T’arrives pas à te le sortir de tes pensées. Heureusement qu’Isak est là. Il a l’air d’aller bien, comme si rien ne pouvait l’atteindre. Et peut-être que c’est le cas. Il est très secret. Il n’a jamais parlé de sa famille, ni de sa relation avec Eustache. Tu sais juste qu’ils sortaient ensemble. Mais il est doux. Et t’arrives à comprendre pourquoi Eustache l’aimait. S’il l’aimait. Le téléphone sonne, tu réponds. C’est un restaurant de ta rue. T’y as été hier, sans vraiment de motivation, tu leur as laissé un CV, et t’as rencontré le patron. Il avait l’air gentil, mais quand t’es reparti, c’était comme à chaque fois, t’étais découragé. Un sourire se forme sur tes lèvres quand t’entends qu’ils te prennent à l’essai. Tu commences demain. Ils te demandent de venir à 7h00 le matin. Ça te va. Tu raccroches, et malgré la perte d’Eustache, tu sautes de joie sur ton matelas. Parce que tu ne vas pas aller vivre dans la rue. Parce que les économies d’Eustache n’auront pas servies à rien.

perdre. Tu te réveilles ce matin, contente, heureuse. Ton premier jour de boulot s’est bien passé hier. Et le patron t’as félicité. T’as même reçu des pourboires. T’as retrouvé le sourire, et ils étaient réels. Rares. Mais réels. Les gens étaient gentils, et certains un peu plus lourds ont essayés de te draguer, mais gentiment. Alors t’as rigolé, et tu leur as dit que t’étais déjà prise. Mensonge, mais au moins, ils te laissaient tranquille avec ça, et ils se contentaient de sourire. Tu t’étires, et tu vas réveiller Isis. Ton sourire se fane lorsqu’elle ne se réveille pas. Tu la prends dans tes bras, tu vas la mettre dans le couloir. Une petite larme coule sur ta joue, mais tu la stoppes. Tu savais qu’elle allait mourir, c’est pour ça que ça ne te fait pas trop mal. En partant au boulot, tu sonnes chez la concierge, et lorsque tu lui montres le chat, elle te le prend des mains. « Je m’en occupe. » Sa fille travaille dans la crémation des animaux. Tu lui fais un signe de remerciement de la tête et tu pars au travail. Ton sourire s’est fané, mais le premier client te refais sourire. Isak.

retrouver. « Comment tu vas l’appeler ? » Tu le regardes, puis le petit chaton que tu viens d’acheter, puis de nouveau Isak. « Eustache. » Il sourit, tu souris. Il prend le chat dans ses bras, et tu ouvres la porte de ton studio. « Fais pas attention, c’est le bordel. » Il rit doucement. Tu lui proposes du café, il accepte. Tu t’assois face à lui et c’est le silence. « Tu l’as rencontré comment Eustache ? » Il relève les yeux vers toi et sourit tristement. « En garde à vue. » Tes yeux s’écarquillent d’étonnement. Eustache ? En garde à vue ? Il semble voir ton étonnement puisqu’il rigole doucement. « Rien de grave. Il a juste été récupéré bourrer sur le trottoir en chantant à tue-tête à deux heures du matin. » Tu souris, et tes yeux se plissent. « Et toi ? » Il hausse plusieurs fois les sourcils et ne répond pas. Tu lèves les yeux au ciel et prend sa tasse de café des mains. « Hey, mon café ! » « Je te rendrais ton café quand tu m’auras dit pourquoi t’étais en garde à vue. » Alors dans sa barbe, il répond finalement, espérant que tu n’entendes pas. « Exhibitionnisme. » T’éclates de rire. Il croise ses bras sur son torse, et fais mine de bouder. « Attend…quoi ? » Il souffle et répond. « Les flics m’ont trouvés à poil dans la rue à une heure du mat. » Tu sers tes lèvres pour t’empêcher de rire, mais c’est trop dur. Alors tu ris. Et il rit avec toi.

projeter. T’es au boulot, tu rigoles avec un client qui vient assez régulièrement. Il est gentil. Il est vieux, mais un peu pépé gâteux, donc ça te fait rire. Il vient d’avoir un petit fils, il est tout content, et il a même demandé un supplément chantilly sur son chocolat au lait de ce matin. Tu lui as offert le supplément. Tu retournes derrière le bar et Martin est là, en train d’essayer de parler à une femme qui ne semble pas très contente. Tu lui proposes discrètement de prendre sa place et il se retire dans la cuisine plus vite que la fusée. La femme te regarde, pardon, te juge du regard avant de finalement lancer. « Je veux parler au patron. » Tu lèves les yeux au ciel, tu ne peux t’en empêcher, et la femme en parle à ton patron. Martin et toi êtes virés. Il a l’air heureux de s’être fait viré. Alors tu lui en demande la raison. « Je vais enfin pouvoir aller en Caroline du Nord. Voir ma copine. » Tu souris. Il t’a déjà parlé de sa copine. Il te regarde, et ses yeux s’ouvrent brusquement. « T’as pas mal d’argent sur ton compte là non ? » Tu réfléchis rapidement. Ça fait un an que tu bosses au café, et depuis quelques mois, tu donnes des coups de mains au magasin où bossait Eustache. « Un petit paquet oui, pourquoi ? » Il te sourit et tu sais ce qu’il va te demander. « Avec plaisir. » T’as envie de voyager depuis que t’es petite. C’est le moment rêvé. Reste plus qu’à le dire à Isak.


préparer. Isak est pas ravi que tu partes, mais il a pas essayé de t’en empêcher. Il t’aide à préparer tes valises. Il a été décidé que tu prendrais Eustache. Isak habitera dans ton loft le temps du voyage. Tu sais pas encore combien de temps tu serais parti. Tu sais juste que t’as 20 ans maintenant, et que t’as envie de partir loin de New York. De voir d’autres horizons. Mais tu reviendras, t’en es sure. Martin t’a appelé ce matin pour te dire qu’il avait déjà les billets, et le plan du voyage. Lui, il s’arrêtera en Caroline du Nord, mais toi, t’as prévu de continuer après. Jusqu’à ce que t’es plus rien, et puis tu reviendras, tu retrouveras un boulot, et tu reprendras ta vie. T’as tout prévu. T’as ta carte avec les endroits que vous allez visiter. Martin a dit que sa copine devait finir son cursus avant de l’accueillir chez elle, donc qu’il devait arriver en Caroline du Nord dans environ un an. Ça te va. Tu souris en regardant la carte. Isak sourit tristement en face de toi. Il met une photo de vous deux dans ta valise, et il la ferme.

éviter. C’est enfin le jour du départ. Tu te réveilles et doucement, tu ouvres les yeux. Ta tête est posée sur le torse habillé d’Isak qui passe une main dans tes cheveux. Tu te relèves et lui sourit. « T’es sure que tu veux partir ? » Tu lui souris et fais oui de la tête. Tu te lèves et t’étires avant d’aller vérifier ton portable. Martin sera en bas de l’immeuble dans dix minutes. Juste le temps de mettre Eustache dans sa boîte de voyage, et de dire en revoir à Isak. Tu vas chercher Eustache et lui donne quelques trucs à manger avant de le mettre dans sa boîte que tu mets à côté de tes valises. Tu te retournes vers ton ami. Tu le prends dans tes bras. La mort d’Eustache vous a fait vous rencontrer, et vous a fait vous rapprocher. Tu l’adores. Il est ton meilleur ami. Il tient la place qu’Eustache n’a pas pu tenir. Lorsque vous vous séparez, il te regarde, et tu vois qu’il hésite. Tu lui souris et lui tourne le dos. Il te prend le poignet et te ramène vers lui de nouveau. Il pose ses lèvres sur les tiennes. Tu ne réagis pas, tu es trop choqué pour. Quand il te relâche tu t’éloignes de lui. Rapidement. « T’es gay. » « Bi en fait. » « Eustache… » « …est mort. » Tu baisses les yeux, essuies tes lèvres avec ton avant-bras et sors de l’appartement. Tu l’entends t’appeler, mais tu fais comme si tu n’entendais rien. Ce baiser, t’en as rêvé. Mais pour toi, ça devait rester un rêve, pas devenir une réalité. Tu veux partir. Plus que jamais.

La poussière orange des sentiers, le béton brûlant de Miami, et puis aussi les gens, qui dansent à Tivoli. La jungle urbaine de Port Royal, Sniper Alley et ses tramways, qui domptaient ma part animale, au mois d’avril et au mois de mai. Il faut vraiment qu’on reparte le plus vite possible, parce que tu sais que là, ça devient carrément insupportable.

pennsylvanie. Harrisburg, rien à signaler.

ohio. Columbus, rien à signaler.

indiana. Indianapolis, rien à signaler.

kentucky. Frankfurt, rien à signaler.

virginie de l'ouest. Charleston, rien à signaler.

tennessee. Nashville. Vous y êtes arrivés après environ onze mois et quelques jours de voyage. Dans chaque ville, vous vous êtes installés, vous avez trouvés un petit boulot, et quand vous l’avez souhaité, vous êtes repartis. C’est la dernière étape avant la Caroline du Nord. Vous êtes dans un bar. Martin ne tient plus en place. Demain, il va revoir sa petite amie, il danse comme un gogole sur la piste de danse, et ça te fait rire. Une fille de ton âge vient s’assoir à côté de toi. « C’est ton petit ami ? » Tu regardes Martin et secoues négativement la tête. « Mais il en a une. » L’expression du visage de la fille semble dire « dommage », mais en tout cas, elle ne l’exprime pas. Tu lui offres un verre de jus, pour faire passer le temps. Vous commencez à parler. Elle est drôle. Elle t’amuse. Puis, elle te parle de toi et tu lui racontes ta vie, jusqu’à Isak et le baiser que tu essayes désespérément d’oublier depuis que tu es partie de New York. Et elle souffle, comme désespérée. « T’es débile quoi… » Tu te retournes vers elle, quelque peu étonnée. « Tu as rêvée de ce baiser, pourquoi tu lui as pas rendu. » Tu ne réfléchis même pas, et tu lui dis ce que tu as toujours dit à tout le monde. « C’est trahir Eustache. » Elle sourit tristement et te prend la main. « Ma belle, si tu parles d’Eustache ton chat, bon passons… Mais si tu parles de ton ami d’orphelinat… Il est mort. Tu ne peux pas le trahir. » Tu baisses les yeux et sors du bar. Tu retournes à l’hôtel. Demain, en Caroline du Nord, tu trouveras une façon ou une autre d’oublier Isak.

Tout ce qui me reste c'est un empire de vent et de poussière où l'on ne sait pas rire, où l'on ne connait que la pierre. La ville n'est qu'un charnier, peut-être une île, rien d'autre à faire que regarder se vider à côté des autres ses plaies, et les fêlures de ses côtes. Mais pourquoi est-ce qu'il faudrait encore que je saigne? Je me sens déjà suffisamment vidé.

se planter. Martin est sur cette piste en train de danser avec sa petite amie. Il vient de la retrouver. Toi, c’est le jour de tes 21 ans. T’es enfin majeure pour l’alcool et tu comptes bien en profiter. Les mots de cette fille de Nashville te reviennent en mémoire, et t’as envie de tout casser. T’as bien fait de laisser Isak, de le repousser. Tu le sais. T’as bien fait. Et d’ailleurs, tu comptes bien te le prouver, encore et encore, jusqu’à ce que tu ne te souviennes plus de son visage. Tu n’es pas du genre à coucher avec n’importe qui n’importe quand, mais t’essayes d’oublier ce que tu as l’habitude de faire ou de ne pas faire. Tu veux oublier Isak. C’est la seule chose qui compte pour le moment. Tu prends plusieurs shot d’alcool, et tu vas danser. Tu te déhanches sur la piste. A un moment, Martin te présente sa copine, et tu lui souris. Ils vont bien ensemble. Peut-être que t’irais bien avec Isak. Tu retournes au bar, tu reprends de l’alcool, tu dois l’oublier. Ne plus te souvenir de son prénom. L’oublier. Un garçon vient danser avec toi. Il est mignon. Très mignon. Tu te présentes, un peu bourrée. Voire beaucoup. « Saoirse. » Il te sourit et il te répond presque automatiquement. « Micah. » Cette nuit, tu vas oublier Isak. Tu ne te souviendras plus de lui. Pas cette nuit en tout cas. Cette nuit, tu l’oublieras.

Et ma tête qui me joue encore des tours, et moi qui galère à me mettre à couvert qui me frotte trop près aux débris, qui me perd trop souvent dans le triangle des Bermudes. Et les grands verres que je m'envoie sur une base régulière, une belle éponge. Et l'odeur de feu de bois qui me colle à la peau. Et ma tête d'anxieux ce matin.

découvrir. Tu es parti le matin suivant. Et t’as dit au revoir à Martin, t’as repris la route. Direction une ville que t’as toujours voulu voir depuis que tu l’as vu ravagée par une tornade aux infos. Glenwood Springs. T’as fait du stop jusqu’à là-bas, et la personne continue sa route, te dépose juste. Avec ta valise et ton chat. Vous êtes à Glenwood Springs, et c’est magnifique. Tu aimes cette ville, avant même d’y être réellement entrée. Tu n’as rencontré personne encore, mais tu aimes déjà l’endroit. Tu trouves ça beau. Plusieurs jours de route pour y arriver, mais ça valait le coup. Tu prends ta valise, Eustache et commence à avancer dans les rues. Les commerçants sont dans leur boutique et tu t’amuses à regarder à travers les vitres, à sourire. Et ils sourient aussi pour la plupart. Tu continues d’avancer, tu découvres petit à petit. Tu croises des gens dans la rue sans connaître leur nom. Tu avances, tu souris. Tu respires l’air. Tu aimes cet endroit. Tu arrives aux endroits qui ont été dévastés par la tornade, et ton sourire se perd. C’est magnifique. Mais c’est une autre beauté. Une beauté sombre, triste. Tu aimes cet endroit. Plus que toutes les grandes villes que tu as pu visiter jusqu’ici.

s'attarder. « En gros, tu peux dormir là. C’est pas super, mais bon… » Tu lui souris. « Tu déconne ? C’est super Mack ! » Tu l’as croisé dans le rue, avec ta grosse valise et ton panier de chat. C’était y’a quelques heures seulement. Tu te souviens d’elle te regardant te démerder comme tu peux pour parler aux gens pour leur demander où il y aurait un hôtel, et lorsqu’ils ne te répondent pas, tu leur fais une grimace. Tu te souviens d’elle venant te parler et te dire qu’au lieu d’aller dans un hôtel, elle peut t’héberger le temps que tu te remettes sur pied et que tu trouves un job. Et voilà. Te voilà, dans le quartier que tu préfères de Glenwood Springs, avec cette fille que tu ne connais que depuis quelques heures. « Euh, je peux t’appeler Mack hein ? » Elle rigole et hoche la tête. Tu lui souris. Ouais, tu l’aimes bien elle. Et pas que parce qu’elle va t’héberger, mais aussi juste parce que…parce que t’as un bon feeling. Ouais. Tu vas bien t’entendre avec elle.

se poser. Deux semaines que tu es à Glenwood Springs, à habiter chez Mack qui, au fur et à mesure du temps, est devenue plus proches de toi que tu le pensais. Mais il est temps que tu te casses de chez elle. Donc tu fais ce que chaque adulte devrait faire, tu cherches un boulot. Et t’en trouves étonnement rapidement un. Un homme qui s’appelle Shem Bloomberg. Si t’as bien compris, il cherche quelqu’un pour trier des papiers d’anciennes affaires juridique. Et puis bah, trier des dossiers, c’est dans les cordes de tout le monde non ? Donc t’appelles au numéro qu’est sur l’annonce et il te donne une heure et un jour pour ton entretien d’embauche. A savoir le jour même, quelques heures plus tard. Tu rentres chez Mack, tu te changes, tu mets quelque chose qui fasse un peu plus sérieux, et tu vas à l’entretien. D’autres personnes sont là, probablement pour la même raison que toi. C’est à ton tour, tu entres. Tu te retrouves devant un homme. Il te demande de t’assoir, c’est probablement lui Shem. Il te demande de lui parler de toi. C’est ce que tu fais. Tu laisses les relations dehors, mais tu lui parles de l’orphelinat. Il sourit, il te dit qu’il te rappellera. Deux jours plus tard, il te rappelle. T’as le boulot.

jouer. Un mois que tu es à Glenwood Springs. Tu as appris à connaître quelques habitants de la ville. Mack et toi êtes toujours autant proches, et tu lui confies la plupart des choses qui se passent dans ta vie. Tu lui as parlé de l’orphelinat, d’Isak. Mais surtout, ça fait un mois que t’essayes de repérer les boîtes de la ville. Parce que t’y as pas été depuis ton arrivée. Et ce soir est le grand jour. Tu vas en boîte. Tu danses, tu bois, tu dragues, gentiment. Tu danses. Tu bois. Tu dragues. Tu bois. Bref, rien de très intéressant en somme. Puis à un moment, alors que tu bois, quelqu’un vient s’assoir à côté de toi. Tu le regardes, il est pas moche, il est même plutôt potable. Il est évidemment plus jeune que toi, il doit avoir atteint ses 21 ans il y a quelques jours. Tu repars avec lui. Le lendemain, t’es réveillée un peu avant lui, vous êtes chez toi. Tu vis plus chez Mack. Il se réveille, tu lui donnes ton numéro. Il te fait un clin d’œil avant de partir. Tu souris. Cette nuit, t’as oublié Isak. Cette nuit, t’étais bien. Tu t’attaches les cheveux, tu mets la seule jupe un peu classe que tu aies, un veston, et tu vas travailler. Tu gardes ce gars dans un coin de ta tête. Il est surprenant. D’une manière ou d’une autre. Mais tu sais pas trop en quoi exactement. Mais il n’est pas comme tout le monde

défier. Tu marches dans les rues de cette ville que tu commences à vraiment apprécier. Et puis tu as un job stable, c’est bien. Tu as aussi des amis. Tu n’avais pas d’amis dans les autres villes, tu avais Martin. Là, tu as Mack, tu as Shem. Ce n’est pas un ami, c’est ton boss…qui a tendance à se prendre pour ton grand frère pour tu ne sais quelle obscure raison. Tu marches, tu dis bonjour aux commerçants, certains commencent à te connaître. Tu continues de croiser des gens que tu ne connais pas, et t’en croises tous les jours. T’espères qu’un jour, t’arriveras à connaître plus que juste Mack et Shem, et quelques autres pas importants. Et Seth, bien sûr. Tu l’as revu récemment. En fait juste trois jours après la première fois. Tu ressens encore ce truc particulier par rapport à lui, et t’arrives toujours pas à mettre la main sur ce que c’est. Tu croises des gens, tu leur souris, tu ne les connais pas. Mais à un moment précis, ta marche se ralenti. Lui là, il te dit quelque chose. Celui qui vient de passer à côté de toi. Tu finis par complètement t’arrêter et tu te retournes. Tu plisses les yeux, essayant de voir si tu rêves ou pas. Mais lorsque son sourire s’étire, tu sais que c’est lui. « Cap ou pas cap ? » Il lance. Tu souris, tu rigoles, tu lui sautes dans les bras. « MOUTMOUT ! » Il rigole. T’es tellement contente de le voir. T’hallucines. Tu lui souris, et tu fais un truc qui ressemble à une danse de la joie juste pour lui. Il rigole. T’as retrouvé ton mouton.

Il y a quelque chose d'ironique dans tout ça. Comme si une fois, le Big Magnet s'était dit : « Tiens Pierrot amène-toi, amène-toi qu'on rigole ! Tiens, tu le vois l'autre taré en bas? Eh bien moi j'ai décidé que pour les cent prochaines années, il avancera les yeux bandés. » Et Pierre de répliquer : « Seigneur, soyez pas pute, laissez-lui au moins un des indices par-ci par-là, j'en sais rien » Et il en fût ainsi.

oublier. Tu te sens bien ici. Particulièrement depuis que t’y as retrouvé Moutmout. Il habite à Glenwood Springs. T’as revu Valérie aussi, elle est très contente de te voir ici. Et même si tu ne le dis pas vraiment, elle est la personne qui se rapproche le plus d’une mère que tu ais eu. Du coup, t’as pris une décision. Tu vas t’installer ici. Peut-être pas pour toute ta vie, mais en tout cas pour un petit moment. Tu viens de raccrocher avec la gardienne qui a dit qu’elle préviendrait le locataire actuel de ta décision. T’as hésité à lui demander de ne rien dire, mais tu l’as pas fait. Isak a le droit de savoir. Tu viens d’appeler Martin pour lui dire que tu t’es installé ici et que si un jour il vient te voir, ce sera ici. Les gens qui habitent dans cette ville ont tous l’air plus adorable les uns que les autres. Tu les aimes tous. Alors tu vas rester ici, c’est décidé. Et puis, tu ne veux pas retourner à New York. Tu n’es même pas sure de vouloir reparler à Isak un jour.

voir. Ça y est, tu es officiellement installée à Glenwood Springs. Et tu aimes cette sensation. T’es nouvelle ici, et pourtant, tu te sens déjà comme une habitante depuis longtemps. Tu souris aux gens, ils te disent bonjour. Tu as revu Seth plusieurs fois, et c’est toujours aussi bien, toujours avec ce truc que t’arrive pas à trouver. T’as revu Keygan aussi bien sûr. D’ailleurs, tu le vois probablement une fois par jour. Mais ça te va. Parce que c’est ton moutmout, et que t’as passé bien trop longtemps sans le voir. Tu souris à la pensée de ton ami, et tu avances dans la rue, passant à côté du lycée de la ville. Des fois tu viens là, et tu regardes les enfants en sortir. T’aimes te demander quelle est leur histoire ? Est-ce qu’ils ont des parents ? Est-ce qu’ils sont en orphelinat ? T’essaies de deviner leur nom aussi, ça t’amuse. Tu sais que c’est pas leurs vrais prénoms, mais ça t’amuse. Alors tu les regarde, de temps à autre. Pas bizarrement, mais juste pour rire. Tu dis des prénoms au pif. « Rose, Elias, Narcisse, Morphée, Luka, Seth. » Tu t’arrêtes et écarquilles les yeux. Seth ? Mais qu’est-ce qu’il fait là ? Il sort avec un sac à dos et une fille à ses côtés. Quoi ?!

recommencer. Il est tôt, mais t’es déjà réveillée. T’es en train de mettre tes chaussures tout en te brossant les dents, et en te coiffant. Ce qui est humainement impossible. Le téléphone sonne, et tu lâches la brosse à dent pour répondre. « CHALLO ? » Tu craches avec grâce le dentifrice dans l’évier, et attend que la personne parle. « Bonjour, euh… J’ai lu l’annonce pour la colocation ? » Tu écarquilles les yeux, et automatiquement lâche tout ce que t’étais en train de faire. « Oh oui bien sur. Désolée je… Je me brossais les dents. » T’es ridicule là ! « Je m’appelle Saoirse. » « Arès. Je pourrais venir voir l’appartement quand ? » Tu regardes autour de toi. Pas maintenant. « Dès maintenant ? » Tu détestes quand ton corps obéit pas à ton esprit. « Très bien, j’arrive alors. » « Au revoir. » « Au rev… » Mais t’as déjà raccroché. Tu balances le téléphone sur le meuble en face de toi, et commence à ranger. Et t’as du boulot. Tu viens de finir de mettre une culotte dans le bac à linge sale lorsque la sonnette sonne. Tu ouvres la porte et te retrouve devant un…mec super mignon. « Arès ? » Il sourit. « C’est moi. Saoirse ? » « Devant vous. » Il sourit, et tu le fais entrer dans l’appartement. Après quelques dizaines de minutes, il repart en te serrant la main. Tu t’y es pris comme une quiche, mais t’as un nouveau colocataire.

gaffer. Depuis que tu as vu Seth sortir du lycée, tu as évité ses appels, et tu as refusé de le voir. Tu l’évites clairement. Il doit probablement être surveillant au lycée, et basta. Mais t’es pas sure. Et quelque chose te dit que tu dois aller vérifier, même si t’es quasiment persuadé que tu ne vas pas aimer du tout ce que tu risques d’apprendre. Du coup, ce soir, tu vas en boîte. Il y a beaucoup de bruit, comme la première fois, et tu es rapide à repérer Seth avec son groupe d’amis. Tu te caches pour pas qu’il te voit, et tu attends qui soit parti danser ou tu ne sais quoi faire pour aller vers son groupe d’amis. Ils sifflent à ton arrivée, tu hausses un sourcil. « Je viens pas là pour me faire draguer, c’est votre pote Seth qui m’intéresse. » Ils sourient, et comme des gros lourds, s’échangent des tapes. T’attends qu’ils aient finis leur numéro de mec virile et tu reprends. « Avant d’aller lui parler, je voudrais en savoir plus sur lui. » C’est un mec blond qui répond. « T’as quel âge ? » « 18 ans. » Ouh la menteuse ! Tu sais pas pourquoi t’as dit ça, mais tu sens comme si tu dois leur dire ça. T’as l’impression d’être obligé de mentir. « Ahah, t’es une cougar. C’est un bébé Seth en vrai. Il a seize ans. » Tes yeux deviennent des soucoupes en quelques millisecondes, et tu les laisses. Tu vois Seth revenir vers le groupe, et lorsqu’il te voit faire cette tête-là, il se mort la lèvre. Il a probablement compris que tu connais son âge maintenant. Il a six ans de moins que toi. Six ans ! Et tu travailles dans un cabinet d’avocat. Quoique ça, ça peut être une bonne chose en soi. Tu cours, et une fois dehors, sur le trottoir, tu vomis. T’as pas bu, mais tu gerbes. Parce que là, de suite, tu te dégoûtes.

décharger. Tu y penses depuis une semaine. Évidemment, tu ne réponds plus aux appels de Seth, tu l’évites dans la rue, et t’en as parlé à Valérie, qui a étrangement plutôt pris la chose avec confiance. Tu n’étais pas au courant, normalement, elle ne devrait pas avoir trop de mal à te défendre si ses parents ou lui venaient à porter plainte. Sauf qu’évidemment, ton ami Kaygan était dans les parages, et a entendu parler de porter plainte. Il t’a donné rendez-vous dans un café, et il t’a clairement demandé ce qui se passait. Alors t’as caché ta tête dans tes mains, comme la lâche que tu es, et tu lui as raconté, ne lui épargnant pas même les détails que tu es sure qu’il aurait préféré ne pas connaître. Une fois fini, il ne semble pouvoir dire que « Waouw. » Et ta seule réaction est de posé une fois de plus tes mains sur ton visage. « Je suis dans la mouise moutmout. » « Ouais. » Tu le regardes, il est pas censé te dire que non, tout va bien se passer ? Tu prends une de tes mèches de cheveux et l’entortille entre tes doigts. « Moutmout ? » Il lève la tête. « Le pire, c’est que je suis encore attirée par lui. » Il vient se mettre sur la banquette à côté de toi, et te prends dans ses bras. Il caresse doucement tes cheveux et prend la parole, se voulant rassurant. « Ça va aller Sasa, ça va aller. Tout rentrera dans l’ordre. » En fait, il est plutôt ridicule. Alors tu exploses de rire. Sans voir les gens qui vous regarde jugeant vos gestes.

Nous sommes de ceux qui se délavent de jour en jour. Nous sommes de ceux qui ont du mal à s'entendre penser. Nous sommes de ceux qui se maîtrisent difficilement. Nous sommes de ceux qui mettent mal à l'aise en public. Nous sommes de ceux qui dérapent dans les escaliers des bibliothèques. Nous sommes de ceux qui dansent de façon embarrassante.

culpabiliser. T’as enfin répondu à un de ses appels. Il a rapidement expliqué qu’il fallait qu’il te voie absolument. Et tu as accepté de le rencontrer. Mais chez toi. Pour éviter que des gens vous voient ensemble. La sonnette retentit, tu vas lui ouvrir. Il a un faible sourire sur le visage. Ça fait bizarre de le voir habiller, et de te dire qu’il ressortira d’ici habillé aussi. Sans être passé par l’étape à poil au milieu. Tu secoues la tête pour enlever cette néfaste pensée, et tu te reconcentres sur lui. « T’es au courant que c’est carrément mal ce que tu fais ? » Il souffle d’exaspération. Oui, probablement cinquante mille personnes lui ont déjà dit ça. « C’est pas pour toi que je fais ça. » Il semble de suite plus intéressé. T’as pas envie qu’on s’occupe de toi, petit Seth hein ? « Si quelqu’un est au courant que toi et moi, il s’est passé un truc, je peux finir en taule. » Il sourit et s’approche. « Ça a qu'à rester entre nous alors. » « Waouw ! Tu penses que tu fais quoi là ? » Tu le repousses, et il se rassoit sur le canapé en face de toi, levant les yeux au ciel. « Il se passera plus jamais rien entre nous. Sache juste que j’apprécierais réellement si tu disais rien à personne. » Il hausse les épaules et hoche la tête. Tu soupires de ravissement. Hallelujah ! Tu finiras pas ta vie en taule à cause d’un petit con. Il sort de chez toi. Ce soir, tu vas en boîte. Pour décompresser. Pour oublier cette histoire avec Seth, pour oublier Isak. Tu te réveilles le lendemain, tu te souviens de rien. « C’est con hein ? » Tu ne connais que trop bien cette voix. Seth. « Et merde ! »

s'effondrer. T’es affalée sur la table du café, et Keygan annonce son arrivée, en te remuant les cheveux, et en te les décoiffant par la même occasion. « Bon alors, qu’est-ce qu’il se passe ? » Tu souffles d’exaspération. « J’ai replongé. » Il hausse les sourcils. « Mais chouchou, c’est un gamin, il a 16 ans. » Tu fais un genre de bruit de désespoir, mais tu vois qu’à son entente, ton ami se retient de rire. « C’est une drogue ce petit. Je te promets. Je me dégoute. » Il te prend la main, et essaye de te dire des choses qui pourraient te rassurer si tu n’étais pas autant en train de culpabiliser. Depuis ce jour où t’as replongé, t’as revu Seth deux fois, sans vraiment le vouloir. Tu sortais faire la fête, souvent avec Mack, et tu finissais avec Seth. Et t’en peux plus.

Puis t'as perdu ton chat. Tu l'as retrouvé. T'as passé des journées avec Mack. T'as repassé des nuits avec Seth. T'as passé des journées à faire chier ton boss, mais tu sais qu'il t'adore. Bref ! Une vie normale pour toi. Une vie à Glenwood Springs. Maintenant t'es sure. C'est pour cette vie, pour cette ville là que t'es faite.

Quel bonheur cette fiche ! J'adore ce que t'as fait de Saoirse, son histoire, ses personnages qu'elle a pu croisé et qui l'ont fait devenir cette jeune femme indépendante mais sacrément attachante ! Bon par contre, faut qu'on parle... Dis à Isak de ramener ses fesses jusqu'à GS, je veux connaître la suite de ce duo !!!!! Puis Seth... Non mais OMG ce petit merdeux Bref, j'aime tout le monde, et puis RIP Eustache. Bref, je pense que cette fois c'est la bonne, tu nous as concocté un perso fantastique !!!!



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