« Nous ne discutons pas la famille. Quand la famille se défait, la maison tombe en ruine.»
Il était l'heure de dormir. Maman avait encore pris ses médicaments pour s'endormir et ne m'avait même pas souhaité une bonne nuit. Je voulais qu'elle me lise encore une fois le petit poucet. J'avais beau la secouer, Maman ne bougeait pas. Mon père rentra dans la chambre. A cette époque, il ne m'avait pas encore touché, mais il me faisait peur. C'était étrange comme sentiment. Papa, j'étais attachée à lui, mais il avait des attitudes bizarres et se promenait toujours avec une bouteille à la main. Il puait et avait toujours le regard fuyant. Il me chassa de la chambre et je me retrouvai dans un couloir noir. J'avais les larmes aux yeux. Pourtant mes amies, elles, avaient le droit aux histoires avant de s'endormir. Mon grand frère Sean avait été alerté par le ton de notre père. Il voulait vérifier si je n'avais rien. Je lui ai alors expliqué ma présence dans la chambre de Maman et il m'a emmené dans mon lit. Quand il commença à me border, je lui demandai
« - Dis Sean, pourquoi Papa et Maman se disputent toujours ? Ils ne s’aiment plus ? » Ce questionnement résumait toute mon enfance. En effet mes parents s’aimaient, certes, pas de façon conventionnelle, mais il y avait de l’amour entre eux. Ils se sont toujours soutenus dans tout ce qu’ils faisaient. Sean soupira avant de me répondre.
« - Si, ils s’aiment encore ma puce. Sinon Maman serait partie depuis longtemps. » Je ne savais pas si je devais croire ce grand frère ou les deux autres d’ailleurs. S’ils pouvaient être différents les uns des autres, ils se rejoignaient sur une chose : moi. Ils me couvaient comme une princesse et pouvaient me mentir juste pour me protéger. Je répliquai alors
« -Alors pourquoi elle n’arrête pas de pleurer et dort presque toujours? » Sean me caressa tendrement mes cheveux et remit une mèche derrière l'oreille. Il avait l'air pensif. Hésitait-il à me le dire? Je n'étais pas sûre qu'il savait la réponse lui-même de toute manière. Après tout lui aussi n'était pas un adulte. Un enfant ne devrait jamais se poser cette question-là et encore moins savoir la réponse. Il me répondit après un petit moment.
«- Parce que Papa ne fait pas bien son devoir...» Je le fixai dans les yeux avant de lui reposer une autre question. J'ai toujours été comme cela, j'avais besoin de réponses. Je n'aimais pas être dans le mystère.
« - Alors c'est pour ça que vous vous disputez souvent avec Papa, Aaron et toi?» Sean fronça les sourcils. Je n'étais pas sourde. Ils avaient beau vouloir me protéger et m’empêcher de voir notre famille se détériorer, j'entendais bien les voix de mes frères se mélangeaient avec celle de mon père. Les cognements sourds suivit d'un long silence. Les moments où avec Bryan, on se réfugiait dans une de nos chambres pour se boucher les oreilles. C'étaient les moments les plus longues de ma vie car même quand on n'entendait plus de bruits, on n'osait pas bouger par peur d'avoir les foudres de notre paternel ou que nos frères en payent les pots cassés. Alors on attendait, on attendait. Des fois on s'endormait dans le lit d'ennuis pour se réveiller le lendemain, comme si c'était un mauvais rêve. Sean n'avait pas l'air de vouloir me donner cette réponse. Il changea d'ailleurs de sujet. Ça devait être douloureux pour lui aussi.
«- Je vais te lire ton livre, mais tu me promets après de passer une bonne nuit? » J'avais hoché la tête, un peu déçue tout de même de n'avoir pas eu ma réponse. Sean ouvra le livre et commença à me raconter l'histoire du Petit Poucet.
XXXXXX
Quelques années plus tard, j'avais compris que mon père était malade. Il buvait beaucoup trop et avait dû mal à se contrôler et à être raisonnable. Mais j'étais loin de penser qu'il pouvait mettre la main sur moi. Je pensais, naïvement, qu'en étant la fille de la famille, j'étais immunisée contre les gestes de mon père. Mais c'est ce soir-là que j'ai su que c'était mes frères qui me protégeaient de notre paternel. Mais il avait trouvé le moment propice pour me faire souffrir à mon tour. Ce soir-là, je dormais paisiblement, pour une fois, la maison était calme et il n'y avait pas eu de dispute. Peut être parce que Aaron et Sean n'étaient pas là. Maman avait même fait de la vraie cuisine, avec des légumes, de la viande et un dessert et pas du surgelés . Je me disais peut être qu'on allait finir par être une vraie famille équilibrée. Mon père allait se soigner. Mais je me suis lourdement trompée. Un bruit de porte me réveilla. C'était la mienne. Une silhouette lourde avançait vers moi. Je ne reconnaissais pas dans le noir Sean, ni Aaron, ni Bryan. C'était un inconnu? Un voleur? J'allais crier pour alerter la maison. Mais à peine je me suis assise que l'inconnu me mit sa main devant ma bouche. Cette odeur? Je la reconnaissais. C'était mon père qui avait bien trop bu. Il me chuchotait à l'oreille.
«-N'ais-pas peur. Ce n'est que moi.» Loin de me rassurer, j'ai alors essayé de calmer mes battements de cœur. Que faisait-il dans ma chambre alors qu'il n'est jamais venu? Je ne comprenais pas sa visite tardive. Même quand il commença à me toucher tendrement, j'étais complètement perdue. Un père avait le droit de faire ça à sa fille? Il me mit sur ses genoux et m'embrassa sur tout le visage. Paralysée, je ne savais pas ce qu'il fallait faire. Crier? Le laisser? Il avait peut être besoin d'un moment de tendresse avec sa fille? Il avait peut être envie de rattraper le temps perdu? Mais ces caresses ne me paraissaient pas très saints. Entre chaque baiser, il articulait avec beaucoup de mal.
« - Il n'y a que toi qui me reste fidèle... Tu ne me tournes pas le dos. Même Bryan s'est mis avec tes frères. Tu es si pure, si jolie. Tu es mon bijoux... Tu ne demandes rien... Eux ne comprennent pas cette pression. Ils ne savent pas la difficulté de faire vivre une famille. Non, ils veulent toujours plus, me critique.» Il ricane amer. Il me faisait peur.
«- J'aimerais bien les voir moi dans mon rôle. Mais je sais que je peux compter sur toi... Toi tu me feras jamais de mal.» Non, ce soir-là, je ne lui ai pas fais du mal. Non je lui ai même donné du plaisir même sans mon consentement. Ses caresses, Ses baisers me brûlaient, me dégoûtaient. J'avais la nausée. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait et pourtant je n'arrivais pas à réagir. Un seul hurlement, et je savais que quelqu'un allait réagir, alors pourquoi je ne le faisais pas? Je ne voulais pas créer une énième histoire. Ma famille était déjà assez déchirée. Je ne voulais pas être la responsable de la rupture entre mes frères et mon père. Quand mon père a eu ce qu'il voulait, il partit après m'avoir border. Un geste paradoxal après ce qu'il m'avait fait subir. J'étais sous le choc et j'ai pleuré toute la nuit. Je me sentais sale. Dès que je pouvais, je suis allée me laver. Je me suis dis que mon père avait tellement bu qu'il allait oublier cette nuit, que jamais ça allait se reproduire. Je me suis de nouveau trompée. Quelques nuits après il est revenu, puis encore une fois et encore une fois. Je comptais. Je me disais que je pouvais peut être savoir les jours où il venait pour partir chez une amie, ou dormir dans la chambre de Bryan. Mais c'était aléatoire. Quatre jours... Une semaine... Deux semaines...3 jours.... Un jour. Je ne savais jamais quand il allait venir. Son record fut un mois...
Un mois... Il n'avait jamais tenu un mois. Je savais qu'il allait venir ce soir. Alors munie de mon oreiller, je me précipitai dans la chambre de Bryan. Mon père n'allait pas tarder à monter et si j'étais avec mon grand frère, il n'oserait jamais venir me parler. Tremblante, je toquai à la porte. Pas de réponse. Je me mordis les lèvres. Tant pis, j'allais retourner dans ma chambre... Mais j'entendis quelqu'un montait. Je reconnaissais ses pas entre mille. Alors sans réfléchir j'entrai dans la chambre de Bryan. Il dormait. Je le secouai et avec un sanglot dans la gorge je lui demandai
«- Bry? Je peux dormir avec toi? Le monstre est revenu.» J'entendis mon grand frère soupirait, il me disait de plus en plus non. Mais cette fois il voyait bien que je n'allais pas réussir à dormir dans ma chambre. Il ouvra sa couette et me laissa une place.
«- Tu as pris ton oreiller?» J'ai alors balbutié un oui. Il remit bien sa couverture sur nous.
«- Tu sais... Les monstres, ça n'existe pas... Je t'ai déjà montré que sous ton lit il n'y avait rien.» Il ne pouvait pas comprendre. Il ne pouvait pas deviner que le monstre était notre père. Il n'était pas que dans mon lit, il était partout, dans la salle à manger, dans le salon, dans le bureau. Je ne pouvais pas l'éviter, encore moins le combattre, je n'étais pas assez forte pour cela. Je n'avais ni la force, ni de courage de mes frères. Je mourrai de peur. D'un côté je ne voulais plus vivre ça encore une fois et d'un autre côté, même si je le disais à mes frères. Ils allaient le tuer, et ma famille sera rompue à cause de moi. Alors j'ai décidé d'en parler à ma mère. C'est la seule qui pouvait en toucher deux mots à Papa sans pour autant être trop violente. Mais sa réponse ne fut pas ce que je m'attendais. Elle m'a traitée de menteuse. Elle pensait que j'étais jalouse de sa relation avec son mari. Elle disait que j'étais trop possessive et que je voulais avoir tous les garçons de la maison dans ma poche. Mais je voyais une lueur de tristesse dans ses yeux. Elle devait avoir des doutes tout de même. Je pensais longtemps qu'elle allait finir par réagir et cessait d'être aveugle. Je croyais dure comme fer qu'elle allait être ma sauveuse. Elle devait me comprendre, c'était ma mère, une femme. Mais non... J'étais vraiment seule dans ce cauchemar. Enfermée dans cette relation malsaine avec mon père. Je pense qu'il m'aimait, d'un amour inconditionnel et de folie et qu'il n'arrivait pas à gérer cela avec l'alcool qu'il ingurgitait. Il n'arrivait pas à s'arrêter à la limite de l'affection. Il était en manque de tendresse. Il se disputait toujours avec sa femme et elle dormait toutes les nuits très tôt. Avec ses fils, sa relation était conflictuelle. Alors il restait moi. La petite dernière, qui ne savait pas où se plaçait. C'était moi, sa bouée de secours, le seul moment de plaisir qu'il pouvait avoir dans ce monde sombre. Alors il a été égoïste et il a brisé la dernière chose qui pouvait lui être bénéfique. Oui, j'ai été brisé à cause de mon père qui a volé ma virginité et mon innocence depuis longtemps.
Alors un soir, il m'a rejoint dans ma chambre, il n'y avait personne. Aucun de mes frères. Il n'y avait que ma mère et mon père. Alors j'ai attendu qu'il ait fini. A chaque fois il me dégoutait de plus en plus. Mais là je n'en pouvais plus. Je n'arrivais plus à le regarder dans les yeux, à laisser ses mains caresser mon corps, sentir ses lèvres sur ma peau. Je n'arrivais plus. J'avais envie de vomir à chaque son de sa voix. Alors avant de partir, il s'excusa, encore et encore en me surnommant "sa poupée". Comme si j'étais son jouet, qu'il pouvait faire ce qu'il voulait de moi. Mais c'était trop tard. Je ne pouvais plus me contenir. Je suis alors descendue dans le garage chercher l'essence et des allumettes. Mon plan était construit. J'allais mettre le feu à leur chambre. Après tout mon père était complétement saoule et a dû s'endormir dès qu'il avait franchi la porte. Et ma mère était bourrée de somnifères. Aucune chance qu'ils s'en sortent. Devant leur porte, j'étale l'essence et j'allume une allumette. Deux... Trois... Quatre. Pourquoi j'hésitai? C'était la bonne solution. Si je les laissais encore vivre, j'allais mourir à petit feu. J'allais devenir un corps sans âme, souillée par un homme. La cinquième fut la bonne. Je vais alors dans le salon et je m'assis sur le canapé avec un sourire soulagé. Je me surpris aimer l'odeur de l'essence et le bruit du feu. Si au début j'ai été perdue par mon geste qui ne me ressemblait pas. A la fin, je me suis rendue compte que j'éprouvais quelque chose de nouveau: la liberté. Alors j'ai éclaté de rire. Ça devait être un rire nerveux mais surtout de joie. Puis j'ai senti ma tête qui tournait. J'ai vécu trop d'émotions en si peu de temps. Mon cœur faisait des montagnes russes. Je ne pouvais plus bouger. J'ai alors su qui appelait. Avant même d'avoir prononcer un mot, il me demanda
« - Qu'est ce qui se passe Princesse? Tu te languis de tes frères?» J'aurai peut être rigolé dans une autre situation, mais là, la maison était en train de brûler. Alors dans un sanglot non-contrôlé je lui suppliai
« - Viens me chercher à la maison si te plait. » Aaron raccrocha immédiatement. Sans savoir ni comment ni pourquoi je l'ai appelé, il allait venir le plus vite possible. Je le savais. Alors quand il rentra brusquement dans la maison et me porta pour m'emmener dehors. Je lui ai soufflai
« Contrairement à eux qui me l'ont prise, tu m'as sauvé la vie...» avant de m'évanouir. Aaron est resté fidèle et n'a jamais rien dit aux autres.
XXXXXX
Je suis restée quelques jours à l’hôpital. Le médecin voulait être sûre de tout allait bien. J'avais avalé beaucoup de gazs nocifs et je m'étais évanouis. Ils avaient bien essayé de garder Aaron en observation aussi, mais c'était à peine perdu. Mon aîné n'avait jamais été fan des hôpitaux. Par contre il m'obligeait à y rester. Il me fatiguait à être si protecteur. Alors j'y suis restée sagement en boudant Aaron à chaque fois qu'il passait. Ce dernier et Sean avaient pris une décision. On devait partir de Chicago pour repartir de zéro. On avait l'assurance vie de nos parents pour nous aider à vivre. Bryan était d'accord et moi je n'attendais que ça. Cette ville m'horripilait et j'espérais pouvoir oublier mes souvenirs douloureux en partant. Après une dernière visite de la maison en ruine, nous partions à glenwood springs. On emménagea dans une grande maison. J'avais tout pour reprendre une vie plus ou moins normale: une réputation à faire en excluant le plus possible mes gardes du corps attitrés qui se montraient trop possessifs et protecteurs, une carrière pour défendre les innocents. Cependant, je n'étais pas heureuse. Je n'arrivais pas à me retirer la lueur de désir de mon père pendant ses visites nocturnes. J'avais du mal à faire confiance aux garçons. Je n'arrivais pas à me convaincre que les hommes n'étaient pas tous des porcs qui avaient toujours des arrières pensées, même les câlins de mes frères me crispaient. Je savais pourtant qu'ils ne me feront jamais du mal, mais c'était instinctif. Il m'a fallu du temps pour accepter ces gestes de tendresse de la part de ma fratrie et de mon entourage. Même maintenant, je préfère rester éloigner de tous les contacts trop intimes si c'était possible. Ce qui n'était pas toujours pratique quand on était étudiante. Je sortais peu. Mais mes quelques amies me forçaient de temps en temps à sortir. En effet elles pensaient que ça pouvait me faire du bien. Les filles n'arrêtaient pas de me répéter que j'étais jolie, intelligente, drôle alors il fallait en profiter. Mais elles ne connaissaient pas toute mon histoire. Personne ne l'a connaissait vraiment. Alors mes amies de la fac de droit ont décidé ce soir-là de m'emmener dans un lieu secret. Elles ne voulaient pas m'en dire plus. Munie d'un foulard devant les yeux, je m'assis dans la voiture, entendant le moteur démarrer. Après vingts petites minutes, j'entendis la portière s'ouvrir. Je n'aimais pas le fait de ne pas voir, de ne pas détecter le danger potentiel. J'entendis de la musique au loin... On était près d'un bar. Mes amies m'emmenèrent à l’intérieur. Crispée, je n'aimais pas être dans un endroit confiné où on touchait involontairement tout le monde. Ne reconnaissant pas les lieux, mes amies m'informa
«- C'est le bar le plus réputé de la ville» Je vois... Je soupirai, je devais bien y passer par là. Mes amies me dirigèrent à une table où il y avait des étudiants de 2 ème année de droit. Il y avait surtout des garçons. Instinctivement, je survolai la pièce. Pas de trace d'un autre McCauley, c'était déjà une bonne chose. Au fil de la soirée, je me surpris même à m'amuser. Je parlai même à un garçon contre le mur. Il était tout de même en dehors de mon espace vital, je m'en suis assurée. Mais d'un coup, ce pauvre garçon se retrouva par terre, sa main sur sa joue. Aaron était face à lui, énervé. Il l'avait frappé. Non mais je rêvais! Il ne m'avait absolument rien fait à part me remettre une mèche derrière l'oreille. Aaron serrait les dent en disant
«- Casse-toi de là et ne touche plus à un seul de ses cheveux» Il fit un signe à deux videurs et le pauvre garçon fut viré du bar. Après un moment de surprise, j'avais enfin compris. Le bar réputé c'était celui de mon frère? C'était bien mon jour! Pour une fois que je sortais, il fallait bien entendu que je tombe sur le bar d'Aaron. Il se retourna vers moi en me foudroyant des yeux.
«- Toi, je te ramène à la maison. Va chercher tes affaires.» Je croisai alors les bras en fronçant les sourcils.
«- Je reste là Aaron. Je m'amuse pour une fois. Et ta manie de vouloir tout contrôler dans ma vie commence sérieusement à me fatiguer! Je rentrerai avec mes amies.» Si je pouvais avoir l'air sûre de moi à l’extérieur, c'était tout le contraire à l’intérieur. J'étais morte de peur. En parlant comme cela à Aaron, j'allais empirer les choses. Mais il avait le don de m'énerver. Mon frère regarda en direction de ma table.
«- Tu n'es vraiment qu'une gamine! Elles sont déjà bourrées tes amies. Ne discute pas, je te ramène TOUT-DE-SUITE! Je vais voir Harrison pour lui dire que je m'absente. Dans deux minutes, je veux que tu sois prête.» Il me fixa, attendant ma réponse. Je soupirai, énervée puis en levant les yeux au ciel, je partis chercher mes affaires. Mes amies avaient vu le petit manège de mon frère et ne pouvaient pas croire qu'un membre de ma famille était le gérant de ce bar. Elles trouvaient cela trop cool et blablabla. J'étais beaucoup trop énervée pour les écouter. J'attendis alors Aaron dehors en tapant du pied. Je détestai quand il faisait ça. Quand il arriva, il tira fort mon bras vers la voiture et ouvra la porte passager pour que je m'installe. Il ferma brusquement la porte avant de s'assoir à côté de moi. Mon frère tenait tellement fort le volant que je me disais qu'il allait finir par le broyer. Il commença à conduire en silence. Mais je sentais sa colère. Je ne comprenais pas pourquoi il agissait comme cela. Je ne pouvais plus supporter son comportement. Je ne pouvais pas, infiniment, rester auprès de mes frères. Ils allaient finir par avoir une femme puis une famille. Pourquoi moi je pourrai pas essayer de construire au moins une relation stable? J'avais déjà du mal à me laisser toucher par un garçon. Alors en plus quand mes frères s'en mêlent, ils touchaient plus mon petit copain potentiel que moi en un mois. Je n'étais pas prête de trouver un homme qui me fera oublier le calvaire que mon père m'a fait subir. J'ai alors répliquai à Aaron froidement
«- C'était quoi ce numéro au juste?» Aaron serra de nouveau le volant avant de me répondre
«- C'est quoi ce numéro? Tu te fous de ma gueule? Tu vas dans mon PROPRE bar pour trouver tes plans culs? Tu n'es qu'une putain d’irrespectueuse.» Mes plans culs? Non mais je rêve! Il ne savait pas même pas ce qu'il disait. Aucun homme à part mon père était allé jusque là.
«- Je ne savais pas que c'était ton bar! Et ce n'était pas un plan cul. C'était un ami de ma fac qui se montrait attentif. C'est un mec bien!» Aaron ricana avant d'enchérir.
«- Un mec bien? Ecoute-toi un peu, comme si tu ne savais pas l'effet que tu fais aux garçons.» Ma tête se décomposait. Alors c'était vrai? Tous les garçons avaient des arrières pensées malsaines? Aaron n'avait pas l'air d'avoir remarqué qu'il m'avait touché. Il fixait la route en continuant sa tirade en criant.
«- Et tu penses que j'ai que ça à foutre? Jouer les baby-sitters et te ramener en un seul morceau à la maison? Putain, ça ne t'a pas suffit l'incendie hein? Tu as failli y rester je te signale!» Je sentis alors un sanglot dans ma gorge. Je détestai être si faible, pleurer si facilement. Mais je lui répondis avec le même ton que lui
«-Ca fait bien LONGTEMPS que je ne suis plus en un seul morceau. Au lieu de tuer tous les mecs qui s'intéressaient à moi, tu aurais dû regarder plus près, comme la maison par exemple!» Aaron freina alors brusquement et arrêta le moteur, au milieu de la route, mais je m'en foutais, j'avais toute son attention maintenant. Il s'était tourné vers moi, perdu. Il avait compris, mais n'arrivait pas à réaliser comment il avait pu passer à côté de cela, comment il avait pu faire cette erreur. Je continuai à vider mon sac. Dieu que ça pouvait faire du bien!
«- Mais tu es trop imbu de ta personne pour penser que tu as pu échouer à ton rôle de grand frère qui veut tout contrôler! Et bah non! Tu vois? Tu n'es pas si invincible que ça. J'avais tout dis à Maman, elle ne voulait rien entendre. Et un soir, je n'en pouvais plus, de ses caresses, de sa voix. Il me détruisait à petit feu Aaron. Alors j'ai mis le feu à la maison pour que ça cesse. Je n'en pouvais plus. » J'avais fini ma confession dans un murmure épuisé. Je me sentais vidée, comme si un gros poids était parti. Mais je savais où était ce poids maintenant, et je culpabilisai d'avoir parler de ça à Aaron. Il savait déjà qui avait mis le feu à la maison. Sans un mot il me prit dans ses bras, et j'ai pleuré longtemps. Je le sentais mal mais je savais qu'il n'allait jamais pleurer devant moi. Après ce soir-là, Aaron était devenu encore plus proche que moi. Il connaissait maintenant tous mes secrets.
Je ne sais pas quoi j'arriverai à tourner la page. Mon père m'avait fait vivre un enfer et ce n'était pas rien. Il m'avait mis à bout jusqu'au point où j'ai mis le feu à la maison. Mais j'essayais petit à petit de reprendre une vie normale. J'aimerais dans dix ans, avoir un vrai mari, pourquoi pas un enfant? Je voulais construire ma famille de rêve. Mais je ne savais pas si j'allais être capable d'être aussi courageuse.